Guerre au Proche-Orient : trois questions sur le plan israélien de "conquête de la bande de Gaza"

L'étau se resserre encore un peu plus sur l'enclave palestinienne. Israël a annoncé, lundi 5 mai, une nouvelle campagne militaire qui prévoit la "conquête de la bande de Gaza" et nécessitera le déplacement interne de la plupart des habitants du territoire.

L'objectif affiché par le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, l'un des plus à droite de l'histoire d'Israël, est toujours de "vaincre" le Hamas et de "ramener les otages" enlevés au cours des attaques du 7-Octobre. Franceinfo revient en trois questions sur ce plan qui a notamment été condamné par Paris. 

1 Que prévoit le plan ?

Après un vote à l'unanimité du cabinet de sécurité du Premier ministre, le porte-parole du gouvernement israélien, David Spencer, a détaillé lundi le plan de l'Etat hébreu. Il prévoit, selon lui, "d'étendre [l'offensive] et le contrôle des territoires, mais pas d'occuper", "un déplacement de la population gazaouie vers le Sud pour sa propre protection" ainsi que "des frappes puissantes contre le Hamas". Afin de mener à bien ce plan de "conquête" de Gaza, Israël compte rappeler des "dizaines de milliers de réservistes", a fait savoir David Spencer.

Benyamin Nétanyahou a rapidement confirmé qu'une nouvelle offensive "intensifiée" à Gaza allait bientôt être déployée, sans donner davantage de détails sur la temporalité. Dans une vidéo de quatre minutes publiée sur X, il estime que le déplacement important de la population gazaouie est nécessaire "pour sa propre protection".

Depuis la frontière avec la bande de Gaza, le nouveau porte-parole de l'armée israélienne, Effie Defrin, a déclaré lundi soir que la nouvelle campagne militaire sur l'enclave palestinienne allait nécessiter le déplacement interne de "la majorité" de ses habitants. David Spencer a par ailleurs affirmé que le gouvernement israélien voulait continuer "d'explorer le plan Trump", qui consiste à déplacer les civils de Gaza vers l'Egypte et la Jordanie pour faire du territoire palestinien la "Riviera du Moyen-Orient".

L'annonce de ce plan intervient alors que les Nations unies ne cessent d'alerter sur la catastrophe humanitaire et le risque de famine auxquels sont exposés les quelque 2,4 millions de Palestiniens. Le cabinet de sécurité israélien juge au contraire qu'il y a "actuellement suffisamment de nourriture". Il a par ailleurs consenti à la "possibilité d'une distribution humanitaire" si cela venait à être "nécessaire"

2 Comment ces annonces sont-elles accueillies à Gaza et en Israël ?

A Gaza, l'obsession quotidienne des habitants reste de lutter pour leur survie dans un environnement dévasté par les combats. Cela fait plus de 60 jours qu'Israël a ordonné l'arrêt de toute aide humanitaire entrant dans le territoire palestinien. Ni nourriture, ni carburant, ni même médicaments. Des habitants interrogés par l'AFP estiment donc que la nouvelle offensive ne devrait pas changer de manière significative la situation déjà désastreuse sur le terrain.

"L'annonce israélienne concernant l'extension des opérations militaires à Gaza n'est que de la poudre aux yeux pour les médias, car toute la bande de Gaza est occupée", juge Mohammed al-Shaoua, 65 ans, habitant de la ville de Gaza. Pour Aouni Aouad, qui vit sous une tente dans le sud du territoire, "Israël n'a cessé ni la guerre, ni les tueries, ni les bombardements, ni la destruction, ni le siège ou la famine qui se poursuivent chaque jour, relève cet homme d'une quarantaine d'années. Alors comment peut-il parler d'intensification des opérations militaires ?"

De son côté, le Hamas a réagi mardi en estimant qu'il n'y avait "aucun sens à engager des négociations, ni à examiner de nouvelles propositions de cessez-le-feu tant que se poursuivent la guerre de la faim et la guerre d'extermination dans la bande de Gaza". "Le monde doit faire pression sur le gouvernement Nétanyahou pour mettre fin aux crimes de la faim, de la soif et aux meurtres" à Gaza, a ajouté auprès de l'AFP Basem Naïm, membre du bureau politique du mouvement islamiste palestinien.

Alors que Benyamin Nétanyahou entend vaincre le Hamas et assurer le "retour des otages" avec la mise en place de ce nouveau plan, des Israéliens ont exprimé leur désaccord. Devant la Knesset, le Parlement israélien, des milliers de personnes ont manifesté lundi contre la nouvelle campagne militaire impulsée par leur pays, rapporte le correspondant à Jérusalem de RFI

"Contrairement aux souhaits de plus de 70% de la population", le gouvernement a décidé de mettre "tous les otages en danger de mort", a écrit le Forum des familles dans un communiqué. La plus grande association de proches d'otages en Israël dénonce un plan qui "menace également la vie" des soldats.

"Non seulement les otages reviendront dans des cercueils, mais les soldats aussi. Nous envoyons des enfants mourir pour rien", abonde auprès du journal Haaretz Luis Cunio, père des otages David et Ariel Cunio. Pour Anat Angrest, mère du soldat otage Matan Angrest, "il semble que le gouvernement a[it] placé la défaite du Hamas au-dessus du sauvetage et du retour des otages".

3 Quelles sont les réactions à l'international ?

En France, le ministre des Affaires étrangères a estimé mardi sur RTL que l'attitude d'Israël "n'[étai]t pas acceptable" et a condamné de façon "très ferme" ce plan pour la bande de Gaza. "L'urgence, c'est le cessez-le-feu, l'accès sans entrave de l'aide humanitaire massivement et la libération des otages du Hamas", a insisté Jean-Noël Barrot. Le chef de la diplomatie française a par ailleurs confirmé que Paris travaillait à la reconnaissance de l'Etat palestinien annoncée par Emmanuel Macron en avril.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit lundi "alarmé" par les nouveaux objectifs d'Israël. "Cela va inévitablement conduire à un nombre incalculable de civils tués supplémentaires et à plus de destruction de Gaza", a déclaré l'un de ses porte-parole.

L'Union européenne se montre également "préoccupée". "L'extension prévue de l'opération des forces israéliennes à Gaza entraînera de nouvelles victimes et souffrances pour la population palestinienne. Nous exhortons Israël à faire preuve de la plus grande retenue", a affirmé Anouar El Anouni, porte-parole de l'UE pour les Affaires étrangères, lors du point-presse quotidien de la Commission européenne.