Jusqu'où ira l'escalade des tensions entre Israël et l'Iran ? L'armée israélienne a annoncé samedi 14 juin que ses avions de chasse étaient prêts à reprendre leurs frappes sur des cibles à Téhéran, après que le régime iranien a tiré de nouvelles salves de missiles sur l'Etat hébreu.
Cet engrenage entre les deux pays rivaux intervient après qu'Israël a lancé vendredi une attaque sans précédent contre des sites militaires et nucléaires sur le sol iranien et tué plusieurs hauts gradés du régime. Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou évoque des "frappes préventives" visant à "repousser la menace iranienne pour la survie même d'Israël". Franceinfo fait le point sur les raisons qui ont poussé Israël à passer à l'offensive.
Parce qu'Israël juge que Téhéran est proche d'"un point de non-retour" vers la bombe atomique
Pour justifier le lancement de son attaque, l'armée israélienne assure qu'elle dispose de renseignements prouvant que Téhéran s'approchait du "point de non-retour" vers la bombe atomique. Selon elle, "le régime iranien avait un plan concret pour détruire l'Etat d'Israël". L'Etat hébreu avait appelé jeudi la communauté internationale à "une réponse décisive" après l'adoption par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) d'une résolution condamnant l'Iran pour non-respect de ses obligations nucléaires.
Téhéran dispose déjà d'un stock total d'uranium enrichi de 9247,6 kg, selon le dernier rapport de l'AIEA. Soit un niveau 45 fois supérieur à la limite autorisée par l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien, signé en 2015. Surtout, parmi ces réserves de matière enrichie, 408,6 kg l'étaient à 60%. Un niveau qui suscite une "forte inquiétude" de l'AIEA, puisque le seuil nécessaire pour fabriquer une bombe atomique est de 90%. L'Iran dément chercher à se doter de l'arme atomique et affirme que son programme nucléaire est uniquement à usage civil.
"Il semble que les Américains et les Israéliens aient disposé de sources très claires indiquant qu'on se trouve à quelques semaines ou quelques mois de l'obtention potentielle d'une bombe par l'Iran", décrypte sur franceinfo le géopolitologue Frédéric Encel.
Parce que les négociations sur le nucléaire iranien patinent
Ces frappes surviennent alors qu'un sixième cycle de négociations entre Téhéran et les Etats-Unis était en principe prévu dimanche à Oman, avec pour objectif d'encadrer le programme nucléaire iranien en échange de la levée des sanctions imposées à l'Iran. Depuis plusieurs semaines, les discussions butaient notamment sur la question de l'enrichissement d'uranium. La tenue de cette nouvelle réunion paraît désormais compromise.
Les craintes d'une frappe imminente d'Israël grandissaient en amont de ces pourparlers. "Les Israéliens n'ont jamais fait mystère du fait qu'ils ne voient pas d'un bon œil ces négociations et qu'ils voulaient tout bonnement le démantèlement du programme nucléaire iranien", a rappelé samedi sur France Inter Armin Arefi, grand reporter au Point. "Benyamin Nétanyahou a vu une opportunité pour frapper l'Iran en plein cœur", pointe ce spécialiste du Moyen-Orient.
Parce que le régime iranien est affaibli
Le choix d'Israël de frapper son rival intervient par ailleurs dans un contexte où Téhéran est fragilisé. "Il est clair que l'Iran est largement affaibli depuis un certain nombre de mois et selon un processus très méthodique de la part d'Israël", analyse Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques et spécialiste du Moyen-Orient, auprès de BFMTV. L'Etat hébreu avait déjà attaqué le régime iranien en avril 2024 et en octobre, parvenant notamment à atteindre des installations militaires.
L'attaque intervient aussi au moment où la quasi-totalité des soutiens régionaux de l'Iran sont incapables de lui venir en aide. "Le Hezbollah a été considérablement affaibli, de même que le Hamas à Gaza", souligne Armin Arefi. Par ailleurs, le nouveau régime syrien, qui a succédé à Bachar al-Assad, ne lui est plus favorable. Il ne reste, au sein de ce que Téhéran appelle "l'axe de la résistance", que les rebelles houthis du Yémen. Mais eux-mêmes ont fait l'objet de plusieurs attaques américaines et britanniques ces derniers mois. Des navires lance-missiles de la marine israélienne ont également visé mardi le port yéménite de Hodeida. A cette perte d'alliés s'ajoute un contexte intérieur désastreux pour l'Iran, dont l'économie est exsangue sous le poids des sanctions occidentales.
Parce que la pression internationale sur la situation à Gaza s'intensifie
Selon Agnès Levallois, présidente de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient, les frappes israéliennes visent aussi à "détourner les regards" de la guerre à Gaza et à "empêcher la reconnaissance de l'Etat palestinien". "Cela fait des années que [Benyamin] Nétanyahou rêve de détruire les infrastructures iraniennes", relève la spécialiste auprès de France Inter.
"S'il a choisi ce moment, c'est qu'il y avait une pression de plus en plus forte qui s'exerçait sur lui (...) pour laisser entrer l'aide humanitaire [dans l'enclave palestinienne]".
Agnès Levallois, présidente de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orientà France Inter
Le blocus imposé par Israël sur la bande de Gaza est un "scandale" et une "honte", a dénoncé lundi Emmanuel Macron.
L'attaque israélienne est survenue à quelques jours d'une conférence cruciale à l'ONU à New York sur la reconnaissance de l'Etat palestinien. A la suite de ces frappes, Emmanuel Macron, qui devait coprésider cette réunion avec l'Arabie saoudite, a annoncé vendredi son report pour des "raisons logistiques et sécuritaires" qui empêchent plusieurs dirigeants arabes ou le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, de se déplacer. "Ce report ne saurait remettre en cause notre détermination à avancer vers la mise en œuvre de la solution des deux Etats", palestinien et israélien, a assuré le président français, qui a promis de fixer une nouvelle date "dès les prochains jours".