Le Louvre ouvre ses portes aux publics éloignés pour son été culturel et solidaire

Les pieds des enfants se balancent sous les chaises, l’excitation se fait ressentir. Pour une majorité d’entre eux, c’est une première au Louvre. Une première fois au musée tout court. « Est-ce qu’il y aura des loups ? » demande Massamba, 8 ans. Natalina Castagna, conférencière au Louvre, rassure le jeune garçon et continue de répondre aux diverses questions des familles présentes.

Les bénéficiaires de l’association Maurepas Entraide sont reçus dans l’espace de groupe du musée en amont de la visite. Présentation du bâtiment, retour sur l’historique de l’ancien palais des rois et explications générales font office d’introduction avant l’après-midi de découverte.

Un accompagnement à la symbolique particulière auquel tient Fabienne Martet, chargée de programmation du champ social. « Lorsqu’on est en situation d’exclusion ou de précarité, le fait d’être accueilli personnellement est important. »

Le programme de l’Été culturel et solidaire du Louvre se tient du 5 juillet au 31 août après une année de pause due aux jeux Olympiques. Ce dispositif permet à des groupes du champ social, peu familiers des musées, de découvrir gratuitement les pièces du palais.

Née en 2020, cette opération d’une heure et demie de visite accueille aujourd’hui les familles du quartier des Friches, encadrées par l’association de leur commune, Maurepas Entraide. Les cinquante bénéficiaires yvelinois de cette journée arpentent le département des antiquités égyptiennes.

Un public très attentif

Pour les enfants, l’expédition démarre, les fils des casques audio emmêlés autour des doigts. Tous suivent le bras levé de la conférencière et se frayent un chemin parmi les nombreux visiteurs. Malgré la chaleur, les petits sont au premier rang et écoutent attentivement les explications.

Un peu plus loin, les mamans, les poussettes et quelques adolescents. Les questions fusent et les doigts se collent aux vitrines au milieu du brouhaha général. Natalina Castagna a l’habitude de présenter les œuvres aux plus jeunes.

Conférencière depuis neuf ans, la femme aux cheveux bruns sait capter l’attention de son public avec des questions de connaissances ou des jeux. Assis en cercle autour de leur guide, les enfants regardent une carte de l’Égypte, cherchant le nom du fleuve qui parcourt le pays.

« Ce que j’ai le plus aimé, c’était le maquillage des Égyptiennes », affirme sans hésitation Dina. La petite fille vêtue d’une combinaison en jean est ravie de l’expérience. Son petit frère, Aïssa, est plus mitigé : « C’était bien, mais c’était trop long. » Ce public, juvénile et peu habitué aux explorations muséales, se lasse plus rapidement. Néanmoins, la fratrie est unanime sur un point : l’envie commune de sillonner à nouveau les couloirs d’un musée.

« Ce public ne s’autorise pas à franchir les portes d’un musée »

Leïla Derville Bejdi est la coordinatrice accès aux droits et référente accueil de Maurepas Entraide. La jeune femme de 26 ans indique que cette visite n’est pas un simple événement, mais va guider la programmation des activités de l’association pour l’année à venir.

« On fait des sorties culturelles en rapport avec notre prochain thème. On va travailler sur l’art, les tableaux et l’Égypte ancienne. Les enfants assisteront à des ateliers où ils pourront créer des papyrus ou des momies. »

Si l’école joue un rôle clé dans l’ouverture à la culture durant l’année scolaire, la période estivale tend à creuser les écarts. Loin des vacances et des loisirs, souvent inaccessibles pour les familles précaires, de nombreux enfants se retrouvent privés de toute offre culturelle.

Une inégalité qui alimente un sentiment d’illégitimité. « Ce public ne s’autorise pas à franchir les portes d’un musée. Pour le Louvre, il y a davantage de freins puisqu’il renvoie une image très prestigieuse et élitiste », rapporte Fabienne Martet.

« Ils n’ont pas du tout accès à la culture, mais ils en sont de plus en plus demandeurs », confirme Leïla Derville Bejdi. L’objectif se situe au-delà de la découverte. L’idée est à la fois de leur permettre une première ouverture sur ce monde et d’élargir leurs connaissances.

« C’est important qu’on les ouvre à autre chose, qu’ils ne s’habituent pas à un seul endroit », rappelle l’encadrante de Maurepas Entraide. Il s’agit aussi de favoriser leur curiosité et de les aider à se construire une place dans la société, en leur donnant les moyens d’accéder à des lieux et des savoirs jusque-là éloignés.

Et la chargée de programmation du champ social de conclure. « C’est notre rôle, au Louvre, de rendre la culture accessible à tous et de lutter contre toutes formes d’exclusion. »

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