Réfugiés afghans expulsés : un rapport de l’ONU dénonce des « cas de torture, de maltraitance, d’arrestations arbitraires »
Les Nations unies (ONU) ont accusé, jeudi 24 juillet, les autorités talibanes d’avoir commis des « violations graves » des droits humains, dont « des cas de torture, de maltraitance, d’arrestation et de détention arbitraire et de menaces à la sécurité », rapportent la mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (Manua) et le Haut-Commissariat aux Droits de l’homme, dans un rapport commun. Les violences auraient notamment visé des femmes, des membres de l’ancien gouvernement et des journalistes.
Une fois en Afghanistan, certains ont été victimes de « violations graves » de leurs droits, commises « en fonction de leur profil » par les autorités talibanes, dénonce ce nouveau rapport onusien. L’enquête se base sur des entretiens menés en 2024 avec 49 Afghans contraints de rentrer dans leur pays. « Renvoyer chez eux des individus qui risquent d’y être persécutés, torturés ou d’y subir un traitement ou des punitions cruelles, inhumaines ou dégradantes, des disparitions forcées ou d’autres préjudices irréparables, est une violation du principe de non-refoulement et une entorse grave au droit international », ont dénoncé la Manua et le Haut-Commissariat.
Victimes de « violations graves en fonction de leur profil »
L’exode massif des Afghans n’a jamais connu de répit. Depuis la prise du pouvoir, en août 2021, par les talibans, des millions de civils ont fui le territoire en quête de sûreté. Un exode à double sens alors que de nombreux États, de l’Iran au Pakistan, en passant par le Tadjikistan ou l’Allemagne, multiplient les expulsions des exilés. Le lancement, fin 2023, de vastes campagnes d’expulsion a poussé ces mêmes millions d’Afghans à retourner dans leur pays d’origine.
Dès les premiers mois, le rythme de ces expulsions ne cesse de s’accélérer. Selon les chiffres du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), 631 000 Afghans ont ainsi été déportés d’Iran entre janvier et novembre 2023. Plus de 1,9 million de civils ont regagné le territoire depuis le début de l’année 2025. Mais ce retour est aussi synonyme d’une possible condamnation à mort.
Le régime de Kaboul assure quant à lui que la loi islamique qu’ils ont instaurée « garantit » les droits de chacun. Le chef de la diplomatie afghan, Amir Khan Muttaqi, a estimé, mercredi 23 juillet, que le respect des droits humains était utilisé comme une « excuse » par « certains pays » pour ne pas reconnaître l’« Émirat islamique ». Seule la Russie l’a fait à ce jour.
Sollicité par l’Agence France-Presse (AFP), le gouvernement a affirmé que « tous les réfugiés qui rentrent de l’étranger bénéficient d’une amnistie » et « rejette les craintes » onusiennes. « Si incident il y a, c’est le fait d’inimitiés personnelles, estime le porte-parole du gouvernement, Zabihullah Mujahid. Cela ne signifie pas que le gouvernement est derrière. » Il conclut : « Les personnes qui ont été citées dans ce rapport ont peut-être été imprécises, sont peut-être opposées au système ou veulent faire de la propagande ou répandre des rumeurs et utilisent donc à cette fin la Manua. »
Accusés d’être liés au « terrorisme » ou de faire monter le chômage
L’afflux d’anciens réfugiés est un défi pour les autorités talibanes, qui appellent régulièrement à l’aide à des organisations internationales confrontées à d’importantes coupes budgétaires. Le Pakistan et l’Iran, terres d’accueil pendant des décennies pour les Afghans fuyant guerres et autres fléaux, les accusent d’être liés au « terrorisme », au narcotrafic ou de faire monter le chômage et la criminalité. Après avoir fixé à début juillet la date limite pour partir, Téhéran a finalement donné jusqu’à début septembre aux quatre millions d’Afghans illégaux pour plier bagage.
En Iran, « nos conditions de vie étaient très mauvaises (…) Nous étions mal vus juste parce que nous étions Afghans », a témoigné Wahid Ahmad Mohammadi auprès de l’AFP, après avoir traversé le point de passage d’Islam Qala jeudi. « Je n’ai pas de maison (en Afghanistan, NDLR), pas d’argent pour en louer une, alerte-t-il. Il faudra que je m’installe sous une tente en ville. »
Le Tadjikistan, autre pays voisin, a lui aussi annoncé vouloir expulser des Afghans. Depuis le 8 juillet, au moins 377 l’ont été, a indiqué le HCR. La semaine dernière, 81 Afghans ont aussi été expulsés d’Allemagne après avoir été condamnés par la justice, tandis que Washington a annoncé révoquer le statut de protection temporaire pour des milliers d’Afghans sur le sol américain, arguant que la sécurité avait été rétablie dans leur pays. Mais pour l’ONU, la situation humanitaire y est « désastreuse ».
L’organisation a réclamé « l’arrêt immédiat » des renvois, surtout lorsqu’il y a un risque de persécution ou de torture. « En Afghanistan, cela est encore plus vrai pour les femmes et les filles, soumises à une série de mesures qui relèvent d’une persécution uniquement basée sur leur genre », a relevé, jeudi 24 juillet, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk. L’Afghanistan est le seul pays au monde où les filles ne peuvent plus aller à l’école au-delà de 12 ans et où les femmes sont interdites d’accès aux parcs, aux salles de sport, aux instituts de beauté et aux universités.
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