Missiles, drones, soldats... De quelles forces armées l'Iran dispose-t-il dans son conflit contre Israël ?
L'escalade se poursuit entre Israël et l'Iran, quatre jours après les frappes israéliennes ayant visé de nombreuses installations nucléaires et militaires iraniennes. Les forces armées de la République islamique ont continué de tirer des missiles en direction de plusieurs villes israéliennes, lundi 16 juin, tandis que de fortes explosions ont été entendues dans l'ouest de Téhéran, la capitale iranienne, d'après un journaliste de l'AFP.
En seulement quatre jours, les hostilités entre les deux pays ont fait au moins 248 morts, dont 224 sur le sol iranien et 24 sur le territoire israélien, selon de derniers bilans officiels établis lundi. Plus d'un millier de blessés ont également été recensés côté iranien. Téhéran continue de riposter, mais à quel point la République islamique peut-elle tenir face à la force de frappe de l'Etat hébreu ? Franceinfo fait le point sur les capacités militaires iraniennes, au-delà de son programme nucléaire, spécifiquement ciblé.
Des équipements militaires vieillissants
Comme le souligne Associated Press, les équipements de l'armée iranienne sont un ensemble assez hétéroclite et plutôt vieillissant. L'agence de presse américaine rappelle que certains d'entre eux ont été fournis par Moscou à l'époque de l'Union soviétique, d'autres plus récemment par la Russie de Vladimir Poutine. Une partie du matériel militaire iranien a par ailleurs été livrée par les Etats-Unis, avant la révolution islamique de 1979. Les forces armées iraniennes disposent d'environ 350 avions qualifiés de "vétustes" par AP. "Le vieillissement des équipements est particulièrement prononcé dans l'armée de l'air", confirme l'Institut international des études stratégiques (IISS) dans son rapport 2024, publié en février, sur les capacités militaires dans le monde.
Certains avions ne sont ainsi plus en état de fonctionner, faute de pièces de rechange, écrivait le New York Times en avril 2024. Ce problème de vieillissement concerne aussi d'autres matériels militaires, tels que des chars et véhicules blindés, selon le quotidien américain. La relation et "coopération militaire croissante" entre Téhéran et Moscou pourrait néanmoins permettre une modernisation de certains des équipements iraniens, pointe l'IISS. Ces derniers mois, la Russie a notamment livré des avions d'entraînement avancé à l'Iran. Des ressources néanmoins fragiles face à l'arsenal militaire israélien, qui bénéficie de technologies occidentales, mais également d'une solide industrie de défense nationale, rappelle Associated Press.
Israël multiplie, depuis vendredi 13 juin, les frappes contre plusieurs sites militaires iraniens. La toute première opération israélienne a mobilisé pas moins 200 avions. L'Etat hébreu a notamment affirmé que la base militaire de Tabriz, dans le nord-ouest de l'Iran, avait été "démantelée". Tsahal a également ciblé des systèmes de défense aériens autour de Téhéran, et affirme avoir détruit "plus de 120 lanceurs de missiles", soit "un tiers de l'ensemble des lanceurs du régime iranien". L'Etat hébreu a désormais une "supériorité aérienne totale dans le ciel de Téhéran", selon le général de brigade Effie Defrin, porte-parole de l'armée israélienne.
Un vaste arsenal de missiles et de drones
En dépit d'un matériel militaire en partie obsolescent, l'Iran est connu pour son "haut niveau de compétence" dans la production de certaines armes, note l'IISS. Téhéran bénéficie du "plus grand stock de la région de missiles balistiques à courte et moyenne portée", tout en ayant des missiles de croisière et des missiles guidés antichars, précise l'institut de recherche. Les forces iraniennes comptent "plus de 3 000 missiles de différents types, dispersés à travers le pays", avançait ainsi en avril 2024 le général McKenzie, ancien chef du commandement central américain, auprès de CBS News.
Les missiles iraniens de plus longue portée peuvent viser des cibles localisées à 2 000 kilomètres, note également le cercle de réflexion américain Council on Foreign Relations (CFR). "Notre estimation, c'est que ce qui peut atteindre Israël ne dépasse pas 600-700 missiles", assurait vendredi Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (Fmes), cité par l'AFP. Depuis vendredi, certains ont réussi à atteindre le territoire israélien, passant au travers du "Dôme de fer", le puissant bouclier antimissiles israélien.
Selon le général McKenzie, les missiles pouvant atteindre Israël sont stockés "principalement dans l'ouest de l'Iran". Or "ces régions ont été exposées pendant les premières heures" des frappes israéliennes, observe auprès de l'AFP Eva Koulouritis, experte indépendante de la zone. Selon cette spécialiste, "les capacités balistiques de l'Iran (...) ont été gravement endommagées".
Mais l'Iran dispose d'un autre atout face à l'armée israélienne : sa production et son stock conséquent de drones, comme le rappelle le New York Times. Ces appareils ont désormais des portées allant de 2 000 à 2 500 km. La première riposte iranienne vendredi a d'ailleurs été menée à coups de drones. Les drones Shahed sont notamment utilisés par les forces russes en Ukraine, avec désormais une ligne de production en Russie. D'autres appareils iraniens de ce type ont été repérés dans le cadre du conflit au Soudan. Selon l'IISS, Téhéran a commencé à développer ces "véhicules aériens sans pilote" dans le courant des années 1980, lors de la guerre opposant l'Iran à l'Irak.
Plus de 600 000 soldats, dont un tiers au sein des Gardiens de la révolution
Le pays de 90 millions d'habitants compte en parallèle la première force armée de la région, avec 610 000 militaires actifs en 2023 et 350 000 réservistes, d'après le rapport 2024 de l'IISS. En comparaison, l'Etat hébreu dénombrait cette même année 169 000 militaires actifs, ainsi que 465 000 réservistes.
Les forces armées iraniennes sont scindées en plusieurs catégories. Téhéran compte 350 000 soldats de l'armée régulière, 18 000 membres dans la marine, 37 000 militaires au sein de l'armée de l'air et... 190 000 Gardiens de la révolution, l'armée idéologique du régime, notamment chargés des missiles balistiques iraniens, précise le cercle de réflexion CFR. La force al-Qods, au sein des Gardiens de la révolution, est également en appui de groupes armés alliés de l'Iran, tels que le Hamas, dans la bande de Gaza, et le Hezbollah, au Liban. Un soutien qui s'exerce à travers de la formation, des livraisons d'armes et des financements. Ces groupes ont toutefois été largement affaiblis par les opérations de Tsahal, depuis les attaques terroristes du 7-Octobre en Israël.
Les frappes israéliennes, ces derniers jours, sont également venues porter un coup très sévère au commandement de ces différentes forces. Le chef des Gardiens de la révolution, le général Hossein Salami, a été tué, tout comme le général Amirali Hadjizadeh, à la tête de la force aérospatiale de ce corps. Le chef d'état-major des forces armées, le général Mohammed Bagheri, est également mort dans ces frappes. L'armée israélienne a aussi tué le général Gholamreza Mehrabi, adjoint au renseignement de l'état-major des forces armées, ou encore le général Mehdi Rabbani, adjoint aux opérations.