« Il a hâte de dire au juge que faire du journalisme ne devrait pas être un crime » : ce qu’il faut savoir sur le procès du journaliste suédois emprisonné en Turquie qui s’ouvre ce jour

Le journaliste suédois Joakim Medin, arrêté fin mars à son arrivée en Turquie, doit comparaître ce mercredi 30 avril à 15 heures (heure locale) devant un tribunal d’Ankara pour « insulte au président » Recep Tayyip Erdogan. Le reporter du journal suédois Dagens ETC, qui assistera à l’audience par visioconférence depuis la prison de Silivri, risque jusqu’à trois ans de prison.

Joakim Medin avait été interpellé le 27 mars à son arrivée à Istanbul où il venait couvrir les grandes manifestations après l’arrestation le 19 mars du maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, principal rival du président Erdogan. La justice turque l’accuse d’avoir participé en janvier 2023 à une manifestation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à Stockholm, au cours de laquelle une effigie du président Erdogan avait été pendue par les pieds, ce qu’il nie. Le procureur d’Ankara avait alors engagé des poursuites à son encontre.

Le reporter est « en assez bonne condition », a pu « rencontrer ses avocats, (des représentants du) consulat de Suède et, une fois par semaine, appeler brièvement sa femme », selon Andreas Gustavsson, rédacteur en chef du journal Dagens ETC, dans lequel travaille le reporter sur le banc des accusés. « Il a hâte de dire au juge que faire du journalisme ne devrait pas être un crime, même en Turquie », a-t-il déclaré à l’Agence France Presse.

« Le délit d’insulte au président est utilisé pour harceler de nombreux journalistes »

Ces dernières années, des dizaines de Turcs, adolescents, journalistes et même une ancienne Miss Turquie ont été poursuivis pour « insulte au président ». « Le délit d’insulte au président est utilisé pour harceler de nombreux journalistes locaux et étrangers et méconnaît clairement les précédents établis par la Cour européenne des droits de l’homme », déclare à l’Agence France Presse Erol Önderoglu, représentant de Reporters sans Frontières (RSF).

« Il est gravement disproportionné et arbitraire qu’un journaliste étranger soit accusé d’avoir participé à un événement, dans son propre pays, qu’il dit n’avoir fait que couvrir », insiste-t-il. RSF place la Turquie au 158e rang sur 180 de son classement de la liberté de la presse dans le monde.

Joakim Medin est également soupçonné d’« appartenance à une organisation terroriste » – un crime pour lequel il encourt jusqu’à neuf ans de prison -, une accusation qu’il réfute aussi et pour laquelle il sera jugé ultérieurement. « Je suis journaliste, c’est mon métier », a-t-il déclaré aux enquêteurs turcs en expliquant n’avoir fait que couvrir la manifestation à laquelle il est accusé d’avoir pris part.

« Il est honteux qu’une personne investie dans le journalisme soit punie de cette manière »

L’accusation d’« appartenance à une organisation terroriste » s’appuie sur des publications sur les réseaux sociaux, des articles de presse et des livres écrits « uniquement dans le cadre de ses activités journalistiques », affirme Baris Altintas, codirectrice de l’ONG turque de défense des droits humains MLSA, qui le défend.

« Il est honteux qu’une personne investie dans le journalisme soit punie de cette manière, mais ce n’est pas surprenant quand on considère l’état de la liberté d’expression en Turquie », ajoute-t-elle. Près de 2 000 personnes ont été arrêtées dont de nombreux étudiants et des journalistes durant les vastes manifestations en soutien au maire emprisonné d’Istanbul.

Un correspondant de la BBC, Mark Lowen, a été expulsé de Turquie le jour de l’arrestation de Joakim Medin pour « menace à l’ordre public », selon le groupe audiovisuel public britannique. Un photographe de l’AFP, Yasin Akgül, a également été arrêté et incarcéré plusieurs jours fin mars, accusé avec sept autres journalistes turcs de participation à une manifestation interdite à Istanbul.

Les relations entre la Turquie et la Suède s’étaient détériorées lorsqu’Ankara avait refusé de ratifier la candidature de Stockholm à l’Otan après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. Le président Erdogan reprochait à la Suède sa mansuétude présumée envers des militants kurdes réfugiés sur son sol. Ankara avait finalement cédé début 2024, ratifiant l’adhésion du pays scandinave à l’Alliance atlantique après vingt mois de tractations.

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