Salariés de l'aéroport Marseille-Provence licenciés : une entreprise peut-elle renvoyer un employé qui distribue gratuitement des invendus alimentaires ?
Quatre salariés des enseignes Prêt à manger et Starbucks de l’aéroport de Marseille-Provence (Bouches-du-Rhône) ont été licenciés mi-mars pour "faute grave". La direction de ces enseignes, le groupe SSP, leur reproche d'avoir donné à des sans-abri et des personnels de l'aéroport des invendus alimentaires qui étaient destinés à la poubelle. L'affaire est désormais entre les mains de la justice puisque les salariés mis en cause ont saisi le conseil des prud'hommes. Mais que dit la loi ? franceinfo s'est penché sur la question.
Chaque entreprise peut émettre son propre règlement intérieur
La loi fixe le cadre général, il n'y a pas de texte spécifique du Code du travail qui permettrait de dire sur ce sujet si le licenciement est fondé. En revanche, chaque entreprise peut émettre des règles liées à son fonctionnement, par exemple dans son règlement intérieur. Plusieurs questions se posent, selon Marie-Océane Gelly, avocate en droit du travail, contactée par franceinfo : "En interne, est-ce qu'il y a des directives qui ont été données ou des instructions de l'employeur qui interdisent la distribution d'invendus ? Est-ce qu'il en avait informé les salariés ? Est-ce qu'il y avait en interne des règles spécifiques liées à l'activité de l'entreprise ?"
Le conseil des prud'hommes va donc se demander si les faits qui ont été commis par les salariés sont susceptibles de caractériser une faute.
L'employeur doit prouver la faute grave
Selon le droit du travail, l'employeur a un pouvoir disciplinaire qu'il peut exercer sur des salariés pour sanctionner des agissements fautifs dans l'exercice de leur fonction. Il y a toute une échelle de sanctions : la simple observation orale, l'avertissement, la mise à pied, la mutation rétrogradation ou encore la rupture du contrat.
Il existe aussi différents motifs disciplinaires de rupture de contrat : la faute simple, la faute grave et la faute lourde. En l'occurrence, la faute grave prive le salarié de son indemnité de préavis et de son indemnité de licenciement. "C'est une sanction très importante qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, relève Marie-Océane Gelly. C'est dans ce cadre-là que l'entreprise s'est inscrite, elle dit : 'On ne peut pas vous garder dans l'entreprise en raison de votre comportement'. Or la preuve de la faute grave repose entièrement sur l'employeur, poursuit-elle. C'est à l'employeur de démontrer que le salarié a commis des agissements fautifs et que ces agissements sont une faute grave qui rend impossible son maintien dans l'entreprise."
Un délai de deux mois pour sanctionner un salarié
Par ailleurs, les salariés licenciés affirment que leur direction savait qu'ils distribuaient gratuitement ces denrées alimentaires invendues. Un paramètre important, car un délai de prescription s'applique sur le signalement des fautes d'un salarié. "Le principe général, c'est que l'employeur, s'il a connaissance d'un fait qu'il considère comme fautif et qu'il veut sanctionner, doit engager une procédure disciplinaire dans un délai de deux mois, rappelle Marie-Océane Gelly. Donc, si dans ce dossier, le salarié dispose de preuves du fait que l'employeur était informé de longue date, depuis plus de deux mois, ce sera compliqué de justifier le licenciement."
"Il y a des fautes qui, de manière assez incontestable, peuvent justifier un licenciement pour faute grave, notamment du harcèlement sexuel, des menaces ou des cas de vol. Mais certains agissements peuvent être fautifs et ne pas nécessairement justifier un licenciement pour faute grave", nuance l'avocate. Les prud'hommes vont également examiner le profil des salariés. Leur ancienneté à leur poste et leur dossier disciplinaire sont des critères qui peuvent jouer sur la décision des juges.