Inondations meurtrières au Texas : comment expliquer un bilan humain aussi élevé ?
Des crues hors norme, dont le bilan ne cesse de s'alourdir. Les inondations qui ont touché le centre du Texas ont fait plus de 80 morts, selon de nouvelles estimations officielles, lundi 7 juillet. Camp Mystic, une colonie de vacances chrétienne accueillant de jeunes Américaines lors des intempéries dans le comté de Kerr, a annoncé "pleurer la perte de 27" enfants et animateurs du camp. Sur place, les recherches se poursuivent pour tenter de retrouver les personnes encore portées disparues. Plus de 850 habitants et visiteurs ont déjà été sauvés des eaux, a précisé dimanche le président américain, Donald Trump.
Crues en pleine nuit, territoires à risque, prévisions jugées incomplètes et postes vacants dans certains services météorologiques... Franceinfo revient sur les facteurs qui ont pu causer un bilan humain si lourd dans les zones inondées, en particulier dans le comté de Kerr.
Des inondations soudaines, et en pleine nuit
Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur les régions touchées ont provoqué des crues très rapides vers 4 heures, vendredi matin. Près de 300 mm/h de pluie sont tombés, soit l'équivalent d'un tiers des précipitations moyennes chaque année. Conséquence : le niveau du fleuve Guadalupe s'est élevé de pas moins de 8 mètres en seulement 45 minutes. Un torrent qui a très vite emporté avec lui des véhicules et certaines habitations.
Les alertes à destination de la population ont été émises, pour la plupart, au milieu de la nuit. L'administration météorologique des Etats-Unis dans la région d'Austin et San Antonio, le National Weather Service (NWS), a diffusé un premier avertissement jeudi en fin d'après-midi pour des risques de fortes pluies et de crues dans le comté de Kerr et autour. Une première alerte à la crue subite a ensuite été émise à 23h41 jeudi soir, suivie d'une autre alerte pour un risque "majeur" à 1h14. Celle-ci a entraîné la diffusion d'alertes sur les téléphones portables et les radios, mais à une heure où de nombreux habitants dormaient déjà.
Des alertes "Urgence crue soudaine" ont enfin été émises vers 4 heures, puis à 5h30 pour le comté de Kerr et les rives du fleuve Guadalupe. Elles annonçaient un danger de mort imminent et ordonnaient l'évacuation des zones concernées.
Les territoires touchés sont particulièrement à risque
De nombreuses victimes de ces inondations se trouvaient dans le comté de Kerr. Dans ce territoire et d'autres comtés touchés, la présence de calcaire et de granit provoque un ruissellement plus rapide et plus important de l'eau en cas de pluies torrentielles, le sol pouvant moins l'absorber, relève The Guardian. La grave sécheresse que connaît le centre du Texas n'a fait qu'empirer ce ruissellement.
Les zones affectées appartiennent à la région du Hill Country, également connue comme "l'allée des crues soudaines", relève l'hydrologue Hatim Sharif, de l'université du Texas à San Antonio, auprès de The Conversation. Ce gigantesque Etat est déjà le plus meurtrier en matière d'inondations : en 60 ans, un peu plus d'un millier de personnes y sont mortes lors de crues, d'après le spécialiste. "Et beaucoup de ces morts ont eu lieu dans la région du Hill Country."
Dans cette zone, l'air chaud "peut libérer une grande quantité d'humidité", ajoute-t-il. Au-delà des sols absorbant peu l'eau dans ces territoires, "les collines sont abruptes et l'eau s'écoule rapidement (...) les ruisseaux peu profonds peuvent s'élever rapidement", relève l'hydrologue. "Quand ces ruisseaux convergent vers une rivière, ils peuvent créer une crue qui détruit des habitations et emporte des voitures, avec malheureusement tous ceux qui se trouvent sur son passage."
De nombreux vacanciers et enfants étaient présents
Le comté de Kerr, qui compte près de 54 000 habitants selon le recensement effectué l'an dernier, est également un lieu de villégiature qui accueillait de nombreux vacanciers pour un week-end prolongé. Les Américains célébraient vendredi leur fête nationale et le 249e anniversaire de l'indépendance des Etats-Unis. En parlant de dizaines de personnes disparues, le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a prévenu que ce nombre risquait de s'élever les jours suivants. De nombreux touristes campaient en effet dans les comtés touchés, a-t-il précisé.
Plusieurs camps de vacances se trouvaient également dans des zones inondables, rapporte CNN, et plus d'une douzaine ont été touchés. Parmi eux, la colonie chrétienne pour filles Mystic, gravement meurtrie par ces intempéries. Le camp se situait à un endroit où un ruisseau et la rivière South Fork Guadalupe se rejoignaient, précise CNN.
Les prévisions étaient incomplètes, selon des responsables
Dès vendredi, plusieurs responsables locaux ont déclaré ne pas avoir été suffisamment informés. "Personne ne savait que ce genre d'inondations allait arriver", a affirmé le juge du comté de Kerr, Rob Kelly. Nim Kidd, de la division de la gestion des urgences au Texas, a lui critiqué les prévisions des services météorologiques. "Les prévisions initiales reçues mercredi (...) prévoyaient 7,5 à 15 cm de pluie dans la vallée de Concho, et 10 à 20 cm dans la région de Hill Country. La quantité de pluie tombée à cet endroit précis n'était dans aucune prévision", a-t-il dénoncé, cité par la radio publique américaine NPR.
Néanmoins, des chercheurs rappellent que des crues si soudaines sont particulièrement difficiles à anticiper précisément. Il s'agit d'un problème "épineux" des prévisions météorologiques, souligne auprès de NPR Michael Morgan, de l'université du Wisconsin-Madison. "Je pense que les prévisions du service météorologique national étaient justes (...) Cibler spécifiquement les zones qui subiront le plus de précipitations est un défi de prévision très complexe."
Des postes étaient vacants dans des services de météorologie locaux
Au-delà des prévisions, y a-t-il eu des manquements dans les échanges entre la branche locale de l'administration météorologique et les services d'urgence ? En fin de semaine, plusieurs postes étaient vacants dans les bureaux du National Weather Service de San Angelo et San Antonio, en charge de zones touchées par les crues. A San Angelo, le bureau de l'organisme météorologique américain manquait notamment d'un météorologue, d'un prévisionniste ou encore d'un hydrologue, d'après Tom Fahy, du syndicat des salariés de cette administration, cité par le New York Times. Le bureau de San Antonio, de son côté, avait un poste vacant de météorologue chargé de la coordination des alertes. Or, les personnes à ces postes sont en lien avec les services gérant les urgences locales, notamment pour gérer les alertes et évacuations.
D'après les informations du quotidien américain, la personne occupant ce poste à San Antonio est partie fin avril en départ anticipé à la retraite. Une possibilité offerte par l'administration Trump, dans son offensive visant à réduire le nombre d'employés des administrations. Ces coupes drastiques dans les effectifs ont-elles pu jouer sur le bilan dramatique des crues au Texas ? Au printemps, le NWS avait déjà perdu 600 salariés. Le président américain a toutefois réfuté l'hypothèse, parlant d'une "catastrophe comme on n'en a pas vu en 100 ans".