Procès des viols de Mazan : qui est Husamettin D, le seul des 51 condamnés à avoir maintenu son appel ?

Personne n’a oublié Gisèle Pelicot fendant la foule, protégée par une escouade de policiers à l’issue du verdict de la cour criminelle d’Avignon le 19 décembre 2024. « Si elle avait eu le choix, elle aurait préféré que ça se termine l’année dernière, remarque l’un de ses deux avocats, Me Stéphane Babonneau. Le premier procès a été éprouvant pour tous les gens qui l’ont suivi, alors on peut imaginer pour elle. Gisèle Pelicot avait retrouvé un semblant de normalité dans sa vie, même si elle suivait à travers nous la question de l’appel, qui avait été interjeté par 17 des accusés, qui se sont désisté les uns après les autres. »

Dix mois après que 51 coaccusés ont été condamnés pour viols, tentatives de viol et agression, principalement sur Gisèle Pelicot, sédatée à son insu par son mari pendant dix ans, un seul des accusés a maintenu son appel. Husamettin D. sera jugé à partir de lundi 6 octobre, devant la cour d’assises du Gard, à Nîmes.

À 44 ans aujourd’hui, l’accusé ouvrier du bâtiment, marié et père d’un enfant atteint de trisomie 21, affirmait avoir eu des problèmes dans son ménage en 2019 et s’être connecté au site coco.fr. Après quelques échanges avec Dominique Pelicot, ils seraient convenus d’un rendez-vous pour des relations sexuelles à trois. Le 28 juin, arrivé au domicile des Pelicot, il avait constaté que l’épouse était « comme morte ». Mais il est resté.

20 ans de réclusion requis

« Mon client n’est jamais venu à Mazan pour violer, il a été piégé par Dominique Pelicot », assure pour sa défense Me Jean-Marc Darrigade, qui a rejoint sa consœur Sylvie Menvielle, dans cette procédure d’appel. La défense entend revenir sur l’intention de viol de son client, « qui n’aurait pas les ressources intellectuelles » pour considérer qu’il a agi comme un « violeur » et non un « libertin ».

En première instance, Me Menvielle avait estimé qu’Husamettin D. avait pu interpréter un spasme de la victime profondément endormie comme une réaction active de sa part. Un argument qui avait fait sortir Gisèle Pelicot de la salle pendant l’audience, l’un des rares moments de colère exprimé par la victime au procès.

La description des vidéos réalisées par Dominique Pelicot, trouvées et authentifiées par les enquêteurs, fait pourtant état d’une attitude précautionneuse de l’accusé, comme s’il ne voulait pas réveiller la victime. Il ne demande pas à celle-ci de bouger sa jambe, mais à Dominique Pelicot d’intervenir.

Si les images n’ont pas été diffusées publiquement à la cour criminelle, c’est que le président y voyait alors des éléments indécents à ne pas projeter. Après une bataille des avocats au nom de la vérité et de la levée du huis clos accordé à la victime, les vidéos concernant les accusés suivants avaient été diffusées au public majeur et aux journalistes. Celles concernant Husamettin D. seront assurément projetées cette fois-ci devant la cour d’appel et son jury populaire.

« Bien sûr qu’une cour d’assises ce n’est pas la même chose qu’une cour criminelle dans la dynamique de l’audience, dans la manière de conduire des débats, analyse Me Babonneau. On ne considère pas que c’est un procès joué d’avance. » Le client de Me Darrigade a été condamné à neuf ans de réclusion à Avignon et risque désormais vingt ans. Il comparaît libre, car son incarcération avait été différée pour raisons de santé. « Si ceux qui ont fait appel ne sont plus là, c’est qu’ils sont en détention, critique Jean-Marc Darrigade. La prison fait peur, ça fait pression. »

Dominique Pelicot, n’ayant pas fait appel, interviendra en tant que témoin. Gisèle Pelicot a tenu à être présente toute la durée du procès. « Elle comprend que l’appel est un droit. L’unique raison pour laquelle elle vient, c’est que l’accusé qui l’a violée doit être à nouveau reconnu coupable de ses viols, précise Stéphane Babonneau. C’est tout. Le reste est entre les mains de la cour d’assises. Elle ne vient pas pour chercher une vengeance. »

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