Année blanche, TVA sociale, niches fiscales... Quelles sont les pistes du gouvernement pour économiser 40 milliards d'euros dans le budget 2026 ?

Une esquisse de budget avant l'été. C'est la promesse que s'est fixée François Bayrou, qui s'apprête à dévoiler mi-juillet les grandes orientations du budget 2026, avant son examen à l'automne au Parlement. Le Premier ministre, dépourvu de majorité et confronté à une dérive des finances publiques, entend trouver 40 milliards d'euros d'économies afin de ramener le déficit de la France à 4,6% du produit intérieur brut (PIB) en 2026. Pour ce faire, François Bayrou et son gouvernement veulent couper dans les dépenses publiques plutôt qu'augmenter la fiscalité. Franceinfo vous résume les principales pistes du gouvernement, alors que les consultations avec les groupes parlementaires se poursuivent vendredi 4 juillet au ministère de l'Economie et des Finances.

Geler les dépenses publiques pendant un an

Le concept d'une "année blanche" apparaît sur le papier assez simple : il consiste à maintenir les dépenses publiques 2026 à leur niveau de 2025, sans tenir compte de l'inflation de 1,4% en 2026 anticipée par la Banque de France. La méthode consiste à n'augmenter ni les crédits des ministères et des collectivités locales, ni les prestations sociales (pensions de retraite, allocations familiales, minima sociaux, APL...). Cette idée a les faveurs de la droite et d'une partie des macronistes, mais la gauche et le Rassemblement national s'y opposent.

Geler les dépenses publiques sans prendre en compte la hausse des prix reviendrait donc à économiser de l'argent, mais ce gel ne s'appliquerait pas à toutes les dépenses. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, qui s'est dit favorable sur Sud Radio à "une pause" pour certaines dépenses en 2026, a évoqué des "dépenses incompressibles" devant la commission des finances du Sénat, mi-juin, citant la contribution française au budget de l'UE ou la hausse prévue du budget de la défense. Impossible aussi de toucher aux intérêts à payer sur la dette publique.

Si l'année blanche se limitait à un gel des pensions de retraite, des prestations sociales et du barème de l'impôt sur le revenu, l'Etat pourrait économiser 5,7 milliards d'euros, selon l'Institut des politiques publiques, sur les 40 milliards recherchés.

Augmenter le taux de la TVA

Emmanuel Macron et François Bayrou ont évoqué l'idée d'une "TVA sociale", le Premier ministre arguant notamment que la France a "un problème de financement de [son] modèle social". Cette piste ne serait pas une nouvelle taxe mais consisterait à augmenter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un impôt sur les biens et les services payés par tous les consommateurs, afin de compenser une baisse des cotisations patronales et éventuellement salariales prélevées sur les fiches de paie. Elle viserait à financer différemment la Sécurité sociale, dont le fonctionnement est principalement assuré par les cotisations, afin de combler son déficit qui a atteint 15,3 milliards d'euros en 2024.

Les défenseurs de la mesure, parmi lesquels le patronat, y voient une ressource immédiate et un impôt à fort rendement. Selon un document du Haut Conseil du financement de la protection sociale cité par Le Monde (Nouvelle fenêtre), relever d'un point les quatre taux actuels de la TVA (2,1%, 5,5%, 10%, 20%) pourrait rapporter 13 milliards d'euros par an à l'Etat. Mais la gauche et les syndicats s'inquiètent d'une TVA "antisociale" qui défavoriserait les plus précaires. Cette mesure pèserait en effet davantage sur les ménages aux revenus les plus modestes car ils consacrent une part plus importante de leurs dépenses à la consommation, comme l'explique une étude de l'Insee(Nouvelle fenêtre) publiée en 2021.

Supprimer l'abattement fiscal des retraités

La fin de l'abattement fiscal de 10% des revenus dont bénéficient les retraités figure aussi parmi les pistes du gouvernement. La suppression de cette déduction, qui s'applique aussi aux pensions alimentaires et aux pensions d'invalidité, plafonnée par ailleurs à 4 399 euros par foyer, toucherait tous les retraités imposables, soit 14,96 millions de ménages, selon l'annexe du projet de loi de finances 2025. Et particulièrement les foyers aisés : selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les 5% de ménages les plus aisés verraient leur imposition augmenter de 850 euros par an en moyenne.

La fin de cet abattement introduit en 1978 ferait aussi entrer mécaniquement des foyers dans la deuxième tranche d'imposition (de 11 498 euros à 29 315 euros), à partir de laquelle une personne est imposable à 11%. Supprimer cet abattement pourrait rapporter près de 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour l'Etat, selon un rapport de la Cour des comptes (PDF). Mais la mesure est très impopulaire à gauche comme à droite, et même au sein du bloc central, où certains s'y opposent.

Réduire le nombre de fonctionnaires

La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a également dit vouloir "revoir la tendance" à la hausse des effectifs dans la fonction publique. Son collègue à l'Economie, Eric Lombard, souhaite aussi engager la "baisse du nombre de fonctionnaires". "Nous allons demander, ministère par ministère, à revoir les besoins de recrutement d'une part et les revalorisations salariales d'autre part", avait ainsi expliqué Amélie de Montchalin début juin. Cela pourrait passer par le non-remplacement des départs à la retraite.

Aucun objectif de baisse n'a été annoncé par le gouvernement, alors que la France compte 5,7 millions d'agents publics, soit près d'un emploi sur cinq en France, selon le ministère de la Fonction publique. Missionnée en octobre 2024 par l'ancien Premier ministre Gabriel Attal, la Cour des comptes avait suggéré de supprimer progressivement 100 000 emplois dans les collectivités locales sur les 2 millions d'agents publics qui y travaillent, pour réaliser plus de 4 milliards d'économies par an à partir de 2030.

Le gouvernement réfléchit aussi à la fusion ou la suppression d'un tiers des agences et opérateurs de l'Etat, sans toucher aux universités, afin de réaliser 2 à 3 milliards d'euros d'économies d'ici à 2027. L'Agence de la transition écologique (Ademe), Santé publique France ou l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) pourraient être concernées, selon les informations de Public Sénat. Lors d'une audition au Sénat à la mi-mai, Amélie de Montchalin avait aussi laissé entendre que l'Institut national de la consommation (INC), qui édite le magazine 60 millions de consommateurs, pourrait par exemple disparaître.

Mettre fin à certaines niches fiscales

La ministre des Comptes publics veut aussi s'attaquer aux niches fiscales qu'elle juge "inutiles" parmi les 467 dispositifs existants. "Il y a 85 milliards [d'euros] de niches fiscales. Si vous avez 10% de niches en moins, ça fait huit milliards", avait-elle fait valoir en avril. Si les "services à la personne, qui bénéficient à beaucoup de familles, beaucoup de personnes âgées", ou encore la "garde d'enfants" ne seront pas concernés, des dispositifs qui profitent à très peu de contribuables pourraient être supprimés.

Selon une annexe au projet de loi de finances 2025, 65 des 470 niches fiscales "sont en cours d'extinction". Et "15 dépenses représentent à elles seules plus de 50% du coût total des dépenses fiscales". Les mesures les plus coûteuses sont le crédit d'impôt recherche, qui permet aux entreprises de financer leurs activités de recherche, de développement et d'innovation et dont le montant s'élève à 7,7 milliards d'euros, suivi des services à la personne (6,86 milliards d'euros) et de l'abattement fiscal des retraités (4,96 milliards d'euros).