Retraites : après un « non » symbolique, vers une nouvelle motion de censure ?

La réforme des retraites de 2023 n’a décidément aucune légitimité, ni populaire, ni parlementaire, ni démocratique. Invités à se prononcer pour la première fois lors d’un vote sur le fond du texte, les députés ont adopté, jeudi, la résolution demandant l’abrogation des mesures clés de la réforme, à savoir le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans et le passage à 43 annuités de cotisation en 2027.

« Nous avons déjoué l’obstruction et obtenu un vote sans appel », s’est réjoui le député communiste et coprésident du groupe GDR Stéphane Peu, qui a porté dans l’Hémicycle cette résolution non contraignante. Au total, 198 élus issus des bancs de la gauche, du RN et d’une partie du groupe Liot ont voté pour cet appel à abroger le texte. La plupart des macronistes ayant déserté les bancs de l’Assemblée, seuls 35 députés se sont prononcés contre.

« L’exécutif ne peut plus ignorer la volonté du peuple »

En mars 2023, cette réforme des retraites brutale, injuste et massivement rejetée par l’opinion, avait été validée sans aucun vote, grâce à l’utilisation par Élisabeth Borne du 49.3. Par la suite, toutes les tentatives d’abroger la loi ont fait l’objet d’une obstruction ou de basses manœuvres macronistes.

D’où le choix des députés communistes de soumettre une résolution non amendable. Si le texte en question n’est pas contraignant, comme se sont plu à le souligner les macronistes, le symbole et le message envoyés n’en sont pas moins puissants.

Le constat est sans appel. « Il n’y a pas de majorité à l’Assemblée pour la réforme des retraites », insiste Cyrielle Chatelain, présidente du groupe Écologiste et social. « À compter de ce jour, l’exécutif ne peut plus ignorer la volonté du peuple et se dérober à ses responsabilités », préviennent les députés GDR, pour qui ignorer la voix des députés constituerait un nouvel affront.

La menace d’une motion de censure

Par conséquent, Stéphane Peu offre deux voies d’issues au gouvernement : qu’il « abroge cette réforme » ; ou bien qu’il organise un « référendum » donnant la possibilité aux Français de se prononcer directement. Faute de réponse à ces demandes, « nous saurons en tirer les conséquences », menace-t-il. « Cela prendra probablement la forme du dépôt d’une motion de censure », précise l’élu après le vote, ajoutant : « sur un tel sujet, elle pourrait avoir d’autres effets que les motions de censure précédentes ». Et ce d’autant que la réforme est encore aujourd’hui réprouvée par les trois quarts des Français. Si le gouvernement venait à ignorer le message des députés, le RN pourrait joindre ses voix à celles de la gauche pour faire tomber le gouvernement.

Les socialistes ont d’ailleurs indiqué qu’ils déposeraient une motion de censure si les travaux du conclave sur les retraites ne revenaient pas comme prévu dans l’Hémicycle. L’oratrice, Sandrine Runel, a dit son mécontentement contre le premier ministre François Bayrou qui, le 16 mars, a interdit au conclave qui réunit patronat et syndicats (la CGT a claqué la porte) de revenir sur le départ à la retraite à 64 ans, principale mesure de la réforme de 2023. « Quelle honte pour un premier ministre de renier sa parole », s’emporte la députée socialiste. La gauche appelle de plus le gouvernement à prendre acte du vote de la représentation nationale concernant les travaux du conclave.

La droite veut la retraite par capitalisation

Le débat a également fait tomber certains masques à droite. Une « dose de capitalisation » est étudiée par des députés macronistes, et a les faveurs tant d’Édouard Philippe que de Bruno Retailleau. En réalité, la droite veut mettre la main sur les fonds de la caisse d’assurance-vieillesse. Ce sont « 400 milliards d’euros qui leur échappent. 400 milliards juste pour les gens, pour leurs vieux jours, 400 milliards sans trading haute fréquence, sans boursicotage, sans le yoyo des marchés », traduit François Ruffin, député Écologiste et social.

Le vote a aussi eu le mérite de rouvrir le débat sur le financement. « Notre système par répartition fait preuve d’une réelle solidité et ses dépenses sont stables dans le temps, aux alentours de 14 % du PIB », expose Stéphane Peu, qui rajoute que les pertes de cotisations non compensées par l’État ont coûté 9 milliards d’euros en cinq ans. Quant aux allégements de cotisation, ils « représentent 80 milliards d’euros ».

Le député LFI Gabriel Amard estime ainsi que le vote de la résolution « engage les futurs arbitrages au moment de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale » à l’automne. Ce sera alors l’occasion de montrer « comment financer autrement la retraite à 62 ans ». Un sujet sur lequel la gauche a de nombreuses propositions.

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