François Bayrou échappe à une première motion de censure pendant que le NFP se divise
La plume de l’ancien professeur de lettres a convaincu la plupart des socialistes, mais pas le reste de la gauche. Quelques heures avant le vote de la motion de censure contre le gouvernement, François Bayrou a envoyé une missive aux présidents des groupes socialistes de l’Assemblée et du Sénat listant les concessions qu’il était prêt à accorder.
Ces derniers y ont vu assez d’arguments pour ne pas vouloir faire tomber l’exécutif. Mais le compte n’y est pas pour la France insoumise, les communistes et les écologistes, qui ont fait partie, jeudi, des 131 parlementaires qui ont voté le texte, loin de la majorité requise, 288 voix.
« Nous n’avons pas la négociation honteuse »
À la tribune de l’Assemblée, le secrétaire du PS, Olivier Faure, a justifié la position des élus de sa formation. « Nous sommes dans l’opposition et nous y resterons », a-t-il commencé. « Une motion de censure est donc possible à tout moment », a-t-il prévenu pour s’assurer que les engagements soient respectés et que les discussions se poursuivent.
« Nous n’avons pas la négociation honteuse », a aussi assuré Olivier Faure, mettant en avant les résultats obtenus dans les pourparlers avec Bercy et Matignon. « Grâce à la négociation, il n’y aura pas de retour du gel des pensions de retraite en 2025, pas d’augmentation des taxes sur l’électricité, pas de déremboursement des consultations chez le médecin, pas d’aggravation du déremboursement des médicaments. 12 000 postes de personnels soignants et hospitaliers (seront) créés ou maintenus. (Il n’y aura) pas de passage d’un à trois jours de carence dans la fonction publique, pas de suppression de 4 000 postes d’enseignants… » a-t-il, entre autres, énoncé avant de mettre en avant sa volonté de taxer les dividendes ou les « patrimoines les plus insolents ».
Le député PS appelle enfin ses collègues à sortir des postures : « Notre vocation n’est pas toujours de nous limiter à prendre date pour la prochaine élection. »
Chantage à la censure
Sur le dossier des retraites, il a salué l’annonce d’une conférence sociale avec la participation des syndicats et du patronat, pour renégocier l’âge de départ en retraite, avant le dépôt d’un projet de loi. Une possibilité en réalité soumise par François Bayrou à un équilibre budgétaire et à un accord politique.
Comme ses collègues des autres groupes de gauche, Olivier Faure déplore une possibilité de veto donnée au patronat. Mais il pense pouvoir contourner l’obstacle. « Si nous avons le sentiment que le débat est verrouillé et ne permet pas d’aller au bout des alternatives, nous déposerons une motion de censure », menace-t-il à nouveau.
Après réception du courrier du premier ministre, Marine Tondelier, la secrétaire des Écologistes, a salué « les concessions listées par François Bayrou », qui « sont en grande partie le résultat du travail parlementaire mené cet automne par le Nouveau Front populaire (NFP) » que « les discussions de ces dernières semaines ont permis de sanctuariser ».
Un « budget qui ne touche pas au capital »
Mais ces avancées ne sont pas suffisantes. La présidente du groupe Écologiste et social, Cyrielle Chatelain, a annoncé un vote pour la censure, déplorant la non-abrogation de la réforme des retraites, le manque de moyens financiers pour l’écologie et l’influence de l’extrême droite sur le gouvernement.
Coordinateur national de la FI, Manuel Bompard a, lui, estimé qu’« il n’y aura pas de retour à la stabilité en dehors de votre chute, du départ du président de la République et du retour aux urnes pour sortir le pays de l’impasse dans laquelle vous l’avez plongé ».
S’exprimant pour les députés PCF et le groupe GDR, signataire de la motion de censure, Elsa Faucillon a lancé au premier ministre : « Les communistes, sans grandes illusions, sont venus livrer leurs propositions. Vous n’en avez rien fait. » Elle l’a ensuite reproché de ne pas chercher, comme le prétend la Macronie, « la stabilité, mais juste la préservation des intérêts des plus riches » avec un « budget qui ne touche pas au capital ».
Le NFP dans la tourmente
Concernant la négociation qui s’ouvre ce vendredi entre patronat et syndicats sur les retraites et un possible retour à l’Assemblée, elle estime que « le flou persiste : il y a tant de « si » avant que le Parlement puisse enfin se prononcer qu’il est difficile d’y voir clair ».
Avec ce scrutin, et même si huit députés PS ont voté pour la censure, le NFP entre donc dans une zone de turbulences. Les directions de parti, mais aussi les électorats sont divisés. Selon un sondage Elabe publié mercredi, 72 % des sympathisants insoumis sont pour la censure, mais seulement 32 % des socialistes et 34 % des écologistes.
Ces deux dernières semaines, la FI était isolée, seule à gauche à ne pas négocier avec le gouvernement. Depuis ce jeudi, c’est le PS qui subit les critiques d’une partie de la gauche déçue par le résultat des courses. Le PS « entre dans une coalition nouvelle de soutien à la Macronie et s’exclut de fait du Nouveau Front populaire », a même décrété, après le vote, Clémence Guetté, vice-présidente FI de l’Assemblée nationale. Le matin, sur France 2, elle avait informé que son mouvement présenterait des candidats dans les circonscriptions des députés qui n’ont pas voté la censure.
« Ce n’est pas la fin du NFP »
Pour sa part, le porte-parole du groupe Écologiste et social, Benjamin Lucas, a déploré au sujet du NFP « un désaccord de stratégie parlementaire important, certes », mais qui « n’efface pas une alliance indispensable qui a apporté de l’espoir à beaucoup de Français », ajoutant : « Nous refusons d’entrer dans une logique où il y aurait une gauche des vociférations et une gauche de la trahison. Le groupe écologiste est un artisan de l’unité. »
Le PS fait observer, de son côté, que la censure n’aurait quoi qu’il arrive pas pu être votée seulement avec les voix de la gauche. Et la députée Béatrice Bellay espère que « les élus de gauche considéreront les concessions du premier ministre comme des victoires à mettre à l’acquis du NFP ». « Vous connaissez monsieur Mélenchon. Il a des mots forts et menaçants. Mais il est satisfait que nous arrachions des victoires qui sont des victoires de gauche », croit-elle, assurant que « ce n’est pas la fin du NFP ».
Tout dépendra de la volonté des différentes forces de maintenir l’union et à quelles conditions. Tout dépendra aussi de la réalité du budget à venir. Les futures échéances seront cruciales. « Je pense que l’épreuve de vérité pour le NFP comme pour le gouvernement sera sur le budget », estime le député PCF Stéphane Peu. Prochaine secousse : en février.
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