En procès, Tesla a affirmé ne pas avoir de données sur un accident mortel… avant qu’un pirate informatique ne les retrouve
Le constructeur automobile Tesla préfère, dans le sillage de son bruyant fondateur Elon Musk, communiquer sur sa supposée stratégie visionnaire plutôt que sur ses échecs. L’entreprise est encore moins à l’aise quand elle se retrouve au centre d’un procès mettant en lumière les dysfonctionnements de sa technologie… et ses tentatives de dissimulation. Le géant de la voiture électrique n’y a pourtant pas échappé, révèle le Washington Post dans une enquête publiée vendredi 29 août.
Lancé en juillet 2025, au sein du tribunal fédéral de Miami (Floride), le procès fait suite à la mort, le 25 avril 2019, de Naibel Benavides Leon, 22 ans, percutée par une Tesla alors qu’elle traversait une route avec son petit ami, Dillon Angulo, blessé par le choc. La voiture en question était en pilote automatique.
Perdues dans l’accident
La technologie – vendue par Elon Musk comme l’avenir du secteur automobile – est censée contrôler la vitesse du véhicule, ainsi que la direction. Le combo doit donc permettre, à l’aide de capteurs, de réagir automatiquement en cas d’obstacle.
Si Dillon Angulo et la famille de Naibel Benavides Leon ont initialement attaqué en justice le conducteur, George McGee, ils se sont ainsi rapidement tournés vers le constructeur même, Tesla. Les plaignants ont alors cherché à accéder aux données de la voiture. Données que l’entreprise gérée par le milliardaire libertarien affirmait avoir perdues dans l’accident.
Le constructeur états-unien a ainsi réfuté toute responsabilité et a tenté d’imputer l’accident mortel à George McGee. La loi en vigueur dans l’État de Floride et le manuel de la voiture stipulent, selon Tesla, que le conducteur doit garder le contrôle, que le pilote automatique soit activé ou non. Les manœuvres de Tesla auraient ainsi pu passer inaperçues.
Sauf qu’un pirate informatique – connu en ligne sous son pseudonyme Greentheonly et engagé par les plaignants pour décoder le contenu d’une puce récupérée dans le véhicule – a découvert les fameuses preuves sans grandes difficultés. « Pour toute personne raisonnable, il était évident que les données étaient là », a-t-il fustigé auprès du Washington Post.
« Hasard » du calendrier, les représentants de Tesla ont annoncé, peu de temps après la découverte, avoir… retrouvé les données dans ses serveurs. L’avocat de Tesla, Joel Smith, a par la suite affirmé que Tesla « n’aurait jamais pensé à cacher » les preuves.
« Nous ne pensions pas l’avoir, et nous avons découvert que oui », a-t-il lancé en direction des jurés. Surtout que, selon lui, les données prouvaient que le conducteur « avait eu le temps de réagir aux piétons se tenant près de sa voiture garée s’il avait été attentif ».
Des années de tentatives infructueuses
Le récapitulatif de l’accident a été téléchargé par les serveurs de Tesla, certifient les documents judiciaires. « Le siège social de l’entreprise a rapidement envoyé un message automatique au véhicule confirmant la réception de la photo de la collision », ajoute le Washington Post. La copie des données a ensuite été supprimée.
« Après des années de tentatives infructueuses pour récupérer ces preuves auprès de Tesla, les avocats des plaignants ont déclaré qu’ils se sont finalement retrouvés dans une impasse en 2024 et se préparaient à comparaître sans elles », ajoute le journal quotidien. La situation s’est débloquée suite à l’obtention des unités de contrôle du véhicule, alors en possession des autorités locales.
Tesla a ensuite proposé aux plaignants, et à leur consultant Greentheonly, de les aider. « Allumons-le, mettons-le à jour et voyons ce qui se passe, auraient suggéré les représentants de Tesla à leurs interlocuteurs, se rappelle le pirate informatique. Si je voulais détruire des preuves sur l’ordinateur, c’est exactement le conseil que je donnerais. »
Ce dernier a cherché par ses propres moyens au sein des fichiers à sa disposition. « En quelques minutes, il a trouvé des données clés destinées à être supprimées, ainsi que la confirmation que Tesla avait reçu la photo de la collision quelques instants après l’accident, résume le Washington Post. De quoi prouver que ces informations cruciales auraient dû être accessibles depuis le début. »
Ces dernières « montraient exactement ce que les caméras du véhicule avaient détecté avant l’accident, y compris la jeune femme tuée », précise le journal. L’apparition du détail de l’accident a permis une accélération du procès, alors en cours depuis deux semaines. Mais non vers l’issue espérée par la multinationale.
« Il a fallu moins d’une journée de délibération au jury pour déclarer Tesla responsable à 33 % de l’accident et devant verser 243 millions de dollars de dommages et intérêts punitifs et compensatoires. » Un double échec pour Tesla, qui a perdu son pari et voit sa réputation toujours plus s’écorcher au gré des scandales.
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