Droits de douane : Comment la guerre commerciale imposée par Trump peut être le détonateur d’un krach planétaire
La guerre commerciale déclarée par Donald Trump a déclenché des mouvements de panique sur les marchés boursiers du monde entier. Les niveaux atteints par l’effondrement des cours depuis le début du mois d’avril, sur les places financières d’Asie, en Europe et jusqu’à Wall Street, sont comparables à ceux enregistrés au début des plus retentissants krachs du siècle dernier, ou plus récemment à celui consécutif à la pandémie de Covid. Le Nasdaq, sur lequel sont cotés les géants étatsuniens des technologies comme Apple, Google et consorts, a reculé de 20 % par rapport à son dernier sommet.
En Europe, tous les indices boursiers ont chuté de plus de 10 % en une semaine : le CAC 40 français de près de 11 %, le DAX allemand de 10,5 %, comme le FTSE britannique. Et si un rebond se dessinait ce mardi 8 avril, il était marqué par les achats opportunistes de quelques acteurs prompts à faire main basse sur des titres prestigieux soudainement dévalorisés. Les craintes de nouveaux décrochages spectaculaires dans les jours qui viennent restent omniprésentes.
L’Europe maintient sa logique du libre-échange
Le président des États-Unis n’a rien fait pour apaiser les esprits, indiquant que les soubresauts boursiers ne seraient qu’un épisode désagréable « d’une médecine » qui garantirait la « libération » promise de l’économie étatsunienne et de ses dépendances. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, plaide pour entrer délibérément dans le marchandage souhaité par Donald Trump.
Elle s’est prononcée pour un accord qui exempterait « les productions industrielles des États-Unis et de l’Union européenne (UE) de tout droit de douane ». Une sorte d’aménagement du protectionnisme américain, avec une poursuite au moins partielle des logiques de libre-échange les plus débridées, sur lesquelles s’est construite l’UE. « Insuffisant », a relevé aussitôt le locataire de la Maison-Blanche.
Dans le même ordre d’idées, l’ex-chef du patronat français, Geoffroy Roux de Bézieux, déclare, pour sa part, que si l’on ne peut « se passer du plus grand marché du monde », il est possible de « redéployer des accords de libre-échange avec d’autres zones ». Ce qui reviendrait – on le laisse entendre également à Bruxelles – à faire revenir par la fenêtre un accord UE-Mercosur aux conséquences si dramatiques pour l’agriculture française qu’on le pensait définitivement écarté.
Le dirigeant social-démocrate allemand Sigmar Gabriel, ex-ministre des Affaires étrangères d’Angela Merkel, n’hésite pas à pousser ce mix de libre-échange et de soumission aux désirs impériaux de Trump jusqu’aux limites du grotesque en se disant partisan d’une adhésion du Canada à… l’UE.
La guerre commerciale déclarée par Trump cible plus particulièrement la Chine, qui se voit infligée de droits de douane de 34 %. Pékin a répliqué rapidement en taxant au même niveau les importations étatsuniennes. Ce qui n’a pas manqué de raviver les mouvements de panique sur les marchés boursiers. Des commentaires autorisés voient dans cette escalade les causes d’un krach qui viendrait mettre à mal la globalisation libérale. À y regarder de plus près, ces premières salves d’artillerie entre l’agresseur étatsunien et ses victimes jouent simplement le rôle de super-détonateur d’un baril de dynamite. Les États-Unis et le monde sont rongés depuis plusieurs décennies par le fléau d’une financiarisation dopée par la globalisation libérale. Ce phénomène, qui alimente l’explosion des inégalités et la paupérisation des plus modestes jusqu’aux classes moyennes, est particulièrement sensible aux États-Unis, où il a contribué à déstabiliser tout l’édifice politique. Ironie de l’affaire : ce sont Donald Trump et ses alliés, les grands matamores du capital financier, comme Elon Musk, qui ont détourné, à leur profit politique, la colère populaire.
Un gouffre entre l’économie réelle et la finance
Le nouveau président et ses amis oligarques libertariens se montrent égaux à eux-mêmes. Pour soigner le malade, ils entendent lui administrer un remède de cheval destiné à ouvrir toujours mieux la voie à une finance libérée et impériale. D’où la batterie de mesures dérégulatrices adoptées en un peu plus de deux mois de présidence Trump. Comme si une dose supplémentaire de financiarisation serait en mesure de venir à bout du malaise qui taraude toute une société.
L’overdose est au bout de ce type de traitement de choc, quand la valeur des sociétés étatsuniennes cotées en Bourse a déjà gonflé de quelque 60 % en 2023-2024, à la toute fin du mandat de Joe Biden. Et quand ces champions de Wall Street ne laissent plus que des miettes aux travailleurs – les 20 % des citoyens étatsuniens les plus pauvres ne percevant plus, en 2023, que 3,2 % du total de la richesse produite par le pays. Ce gouffre qui ne cesse de se creuser entre l’économie réelle et la finance est le vecteur essentiel des risques de krach. Un observateur averti de la scène politique étatsunienne comme Dominique de Villepin, l’ex-ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, ne s’y trompe pas quand il prévient, à ce propos, que le trumpisme « n’est pas la maladie du monde » mais « le symptôme » du mal qui le ronge en profondeur.
À l’échelle de la planète, la financiarisation n’a cessé de s’étendre sous l’impulsion des administrations étatsuniennes, européennes et asiatiques successives. Elle a atteint 116,16 milliers de milliards de dollars en 2024, en augmentation de 5 % sur l’année précédente. Sur les trente dernières années, cette croissance a connu un rythme plus de vingt fois supérieur à l’évolution du PIB mondial et donc des richesses effectivement créées sur la planète.
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