Équateur : 5 milliards de prêt contre une purge de l’État… À quoi ressemble le deal entre le FMI et le président néolibéral Daniel Noboa
Douteusement réélu à la tête du pays sud-américain (la gauche continue de dénoncer une « méga fraude » électorale), le néolibéral Daniel Noboa passe à l’action avec l’annonce de ses premières mesures d’austérité. Alors que son programme s’appuyait notamment sur la promesse d’offrir du travail à quiconque en ferait la demande en s’inscrivant sur un portail internet dédié (ledit site est actuellement hors-service), les Équatoriens ont appris jeudi 24 juillet les détails des restructurations présentées par son gouvernement pour viser un rééquilibrage du budget.
Au menu, derrière les éléments de langage – « plan d’efficacité », « assainissement budgétaire » ou encore « modernisation de l’administration publique » – une réduction drastique (environ 40 %) du nombre de ministères et d’administrations publiques connexes accompagnés du licenciement peu transparent et aux allures de purge de 5 000 fonctionnaires, confirmant ainsi le virage antisocial pris par l’Équateur depuis la fin des « années Correa » (2007-2017).
Destruction de l’État
Poursuivant la route tracée par ses prédécesseurs, le président Noboa intensifie le démantèlement de la force publique – voire même de destruction provoquée de l’État – avec des mesures qui interviennent quelques jours seulement après un accord trouvé avec le Fonds monétaire international (FMI) – l’attribution d’une ligne de crédit de 5 milliards de dollars jusqu’en 2028 – pour « soutenir financièrement » le pays.
Bien que la porte-parole de la présidence ait nié tout lien avec les engagements pris auprès de l’institution basée à Washington, les documents dudit accord contiennent pourtant de claires exigences en matière de réduction des dépenses publiques…
Dès le mois dernier, le FMI applaudissait des deux mains l’« ambitieux programme de réformes structurelles » avancé par Noboa, et pour lequel les Équatoriens devront encore se serrer la ceinture avec un gouvernement qui s’est engagé à trouver 6 milliards de dollars – d’économies budgétaires ou de recettes supplémentaires – au cours des quatre prochaines années.
« Les recettes du FMI n’ont jamais fonctionné »
« Ce n’est plus une menace, c’est une réalité : des milliers de pères et mères de famille ont perdu leur emploi (à cause des) recettes brutales du FMI qui va imposer faim, émigration et destruction de la classe moyenne » a dénoncé dans un communiqué le groupe parlementaire d’opposition de gauche du mouvement de la Révolution citoyenne (RC5).
« Les recettes du FMI n’ont jamais fonctionné », a fustigé de son côté, sur X, l’ex-président Rafael Correa, « non pas parce qu’elles sont inefficaces, mais parce que leur seul objectif est de garantir le remboursement de la dette extérieure, sans se soucier du pays ni de sa population ».
Dans un « manifeste pour la dignité du peuple équatorien », des dizaines d’intellectuels, d’artistes, d’universitaires et de personnalités engagées dans la société civile ont énergiquement rejeté « des politiques néolibérales » qui « démantèlent l’État, suppriment des droits et condamnent le peuple équatorien à l’abandon et à la précarité sous prétexte d’une prétendue efficacité ».
« Pour la famille du président : pardons et privilèges »
Une « offensive » menée sous la houlette du FMI et qui renforcerait « le modèle d’austérité qui a tant nui à l’Amérique latine », selon les signataires qui fustigent en bloc une nouvelle tentative de « vider l’État de ses fonctions sociales, affaiblissant des domaines vitaux tels que la santé, l’éducation, le travail, la sécurité sociale ou encore la culture », aux dépens des classes populaires, des travailleurs, des peuples autochtones, des jeunes et des femmes.
À l’heure où l’Équateur est enlisé dans une spirale de violence et de dévastation du tissu social que la stratégie de « guerre contre la drogue », menée avec la bénédiction des États-Unis, ne sera pas à même de résoudre, les mesures austéritaires imposées par le président Daniel Noboa ont de quoi choquer le bloc progressiste, qui dénonce par ailleurs les largesses fiscales dont jouissent les entreprises du clan Noboa.
Ce dimanche, plusieurs observateurs ont en effet relevé une mise à jour sur le site des recouvrements d’impôts équatorien révélant une diminution de plus de 70 millions de dollars de la dette fiscale de l’entreprise Exportadora Bananera Noboa.
« Alors que des milliers de travailleurs sont licenciés, condamnant les familles équatoriennes au chômage, la dette de l’entreprise de la famille du président diminue comme par magie de 98 à 21 millions de dollars », a dénoncé sur X la députée RC5 Victoria Desintonio, pointant du doigt les remises fiscales approuvées par la droite dans le cadre d’une « loi sur l’intégrité publique ». « Pour le peuple : des licenciements ; pour la famille du président : pardons et privilèges »… Le FMI n’a pas réagi quant au manque à gagner que représente ce cadeau fiscal pour les finances publiques.
Urgence pour l’Humanité
Votre don peut tout changer
Faites vivre un média libre et engagé, toujours du côté de celles et ceux qui luttent
Je veux en savoir plus