Équateur : « Daniel Noboa veut instaurer un néolibéralisme autoritaire », décrypte le politologue Eduardo Meneses

Créditée de onze points de moins que son adversaire par les autorités électorales équatoriennes, la candidate porte-étendard de l’alliance progressiste Luisa González a dénoncé une « fraude électorale grotesque » et a refusé de reconnaître les résultats.

Dans le camp corréiste, certains élus locaux et alliés politiques ont toutefois reconnu la victoire du libéral Daniel Noboa, tout comme l’UE, les États-Unis et l’Organisation des États américains, mais aussi les gouvernements de gauche brésilien, chilien, colombien, uruguayen ou encore espagnol. De son côté, la présidente du Mexique Claudia Sheinbaum s’est montrée plus prudente en déclarant qu’elle attendrait le décompte final avant de se prononcer.

Sur quoi se fondent les allégations de fraude avancées par Luisa González ?

Eduardo Meneses

politologue

Absolument tous les observateurs et les enquêtes d’opinion prévoyaient une élection extrêmement serrée, il est donc difficile de croire aux chiffres annoncés par le Conseil national électoral (CNE, victoire de Daniel Noboa avec 56,63 % contre 44,37 % pour sa rivale – NDLR).

Il est totalement illogique que Luisa González ait obtenu moins de voix ce dimanche alors qu’elle a pu compter sur un soutien politique plus large grâce aux alliances nouées durant l’entre-deux-tours. Enfin, les preuves matérielles des irrégularités commises durant le scrutin commencent peu à peu à remonter.

La campagne avait déjà été entachée de graves irrégularités…

Tout à fait, il y a eu des violations aux normes constitutionnelles qui à elles seules devraient remettre en cause la légalité du scrutin. Les Équatoriens sont malheureusement habitués aux campagnes électorales qui ne se basent pas sur les programmes ou le débat d’idées.

Encore une fois, la droite a misé sur une campagne très sale, en s’appuyant notamment sur le lawfare (guerre judiciaire ou instrumentalisation de la justice à des fins politiques – NDLR) et la désinformation, ainsi que sur la peur, avec en toile de fond le contexte de violence qui frappe le pays.

Plus grave encore : le président-candidat est resté en fonction durant la campagne, ce qui est formellement interdit. Il a ainsi pu utiliser des fonds publics pour se mettre en avant, profiter de la propagande gouvernementale en sa faveur ou encore distribuer de nouvelles allocations, ce qui pourrait ressembler à de l’achat de voix. La déclaration de l’État d’urgence, décrété la veille du scrutin et pour soixante jours, laissait prévoir que quelque chose se tramait. Mais le CNE, à la botte du pouvoir, n’a jamais critiqué ces manœuvres.

Au-delà des candidats, ce sont deux modèles de société qui s’opposaient ce dimanche…

Daniel Noboa est le candidat des intérêts d’une oligarchie qui s’applique à imposer un néolibéralisme assez particulier, dans un pays dollarisé devenu le cœur latino-américain du blanchiment d’argent et avec une criminalité organisée qui pénètre tous les secteurs économiques.

Ainsi, la stratégie de militarisation du pays au prétexte d’une « guerre contre la drogue » sert à imposer un néolibéralisme autoritaire, s’appuyant sur un régime de moins en moins démocratique. Cela fait d’ailleurs déjà plus d’un an que Noboa gouverne par décrets.

Face au démantèlement de l’État, Luisa González propose un retour de la force publique et à l’État de droit, avec un programme visant le bien du plus grand nombre, pas seulement d’une élite ou des intérêts étrangers.

À ce propos, Noboa était perçu comme le candidat de Washington.

Depuis son retour au pouvoir, en 2017, la droite n’a fait que rouvrir les portes de l’Équateur aux Américains. La coopération est faite au prétexte de lutter contre les cartels de la drogue, mais on peut se demander si les États-Unis ont vraiment intérêt à mettre fin à la violence. Présence militaire sur place, vente d’équipement sécuritaire… L’économie de guerre étas-unienne semble sortir gagnante de cette situation.

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