L’Équateur en proie au chaos des gangs de narcotrafiquants, l’état d’urgence décrété

Une prise d’otages en direct sur le plateau d’une télévision publique par des hommes encagoulés et armés de pistolets, de fusils à pompe et de grenades, frappant et forçant les journalistes et les autres employés de la chaîne terrorisés à se mettre au sol. La prise d’otages surréaliste qui s’est produite mardi après-midi à Guayaquil (sud-ouest de l’Équateur) marque le paroxysme de la crise sans précédent à laquelle le pays est en proie depuis trois jours.

Si l’incertitude demeure encore autour de cette irruption spectaculaire et violente, après l’intervention apparente de la police au milieu des coups de feu et des cris, l’événement est clairement attribué aux bandes criminelles liées au narcotrafic, à l’origine de cet état de chaos inédit en Équateur.

Mutineries et prises d’otages

L’évasion de prison, le 7 janvier, d’Adolfo Macias, alias « Fito », le chef du plus grand gang criminel lié au trafic de drogue (environ 8 000 hommes), considéré comme très dangereux, et les soulèvements qui ont suivi dans plusieurs prisons ont fait basculer le pays dans une spirale de violences que rien ne semble pouvoir endiguer.

Mutineries en cascades, prises d’otages, enlèvement de civils et de policiers, exécutions sommaires, le tout relayé par d’effrayantes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrant les captifs menacés par les couteaux de détenus masqués ont conduit le président Daniel Noboa à proclamer dès le lendemain l’état d’urgence pendant 60 jours dans tout le pays. L’armée est ainsi autorisée à assurer le maintien de l’ordre dans les rues (avec un couvre-feu nocturne) et les prisons.

Le chef d’État, un multimillionnaire âgé de 36 ans, élu en octobre dernier sur un programme néolibéral, a par ailleurs déclaré son pays en état de « conflit armé interne » et ordonné la « neutralisation » des groupes criminels impliqués dans le narcotrafic, ainsi que « la mobilisation et l’intervention des forces armées et de la police nationale (…) pour garantir la souveraineté et l’intégrité nationale contre le crime organisé, les organisations terroristes et les belligérants non-étatiques ».

Devenu depuis quelques années l’épicentre du trafic de cocaïne, notamment en direction des États-Unis et de l’Europe, le pays a basculé dans une violence inouïe, miné par les exactions des bandes criminelles liées au narcotrafic. Le nombre des homicides a augmenté de près de 800 % entre 2018 et 2023, passant de 6 à 46 pour 100 000 habitants. Les prisons, surpeuplées et comptant plus de 31 000 détenus, connaissent des massacres récurrents entre bandes rivales, au moins douze depuis février 2021 qui ont fait plus de 460 morts parmi les détenus.