Le premier ministre François Bayrou a été «troublé par l'énoncé du jugement» de cinq ans d'inéligibilité avec effet immédiat à l'encontre de Marine Le Pen, a rapporté lundi son entourage, provoquant l'inquiétude du Parti socialiste pour «la séparation des pouvoirs» et l'«État de droit».
Alors que la cheffe de file du Rassemblement national Marine Le Pen a été condamnée lundi à une inéligibilité immédiate pour cinq ans, dans l'affaire des assistants parlementaires européens, compromettant sa candidature à la présidentielle de 2027, l'entourage du premier ministre a indiqué à l'AFP que ce dernier avait été «troublé par l'énoncé du jugement», confirmant une information du Parisien.
Le chef du gouvernement n'entend toutefois faire «aucun commentaire sur une décision de justice», a précisé son entourage à l'AFP. Marine Le Pen a aussi écopé d'une peine d'emprisonnement de quatre ans dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique et d'une amende de 100.000 euros.
«Le RN sera bien présent en 2027»
Le patron du Parti socialiste Olivier Faure s'est dit pour sa part «troublé par ce trouble primo-ministériel», et a regretté sur X que «visiblement le respect de la loi, l'État de droit, la séparation des pouvoirs, ne (soient) plus à l'ordre du jour au gouvernement». Et il a nuancé la condamnation, rappelant que Marine Le Pen «peut faire appel», «demeure députée» et que «le RN sera bien présent en 2027», pour la présidentielle.
L'ancien président socialiste François Hollande a également jugé sur BFMTV que le premier ministre «n'a pas à être troublé» par le jugement à l'encontre de Marine Le Pen. «Quand on est premier ministre dans une République et qu'on est le gardien de la loi, il faut (...) accepter que les tribunaux puissent être garantis dans leur indépendance», a-t-il fait valoir. «Notre devoir, c'est de ne pas penser que les juges ont fait de la politique. Ils ont fait du droit», a-t-il insisté.
«Une accusation injuste»
Aucun ministre n'a réagi à cette décision judiciaire qui provoque un séisme à deux ans de la présidentielle, alors que la leader du parti d'extrême droite était en tête dans tous les sondages pour le premier tour. Le président Emmanuel Macron n'a pas réagi non plus. François Bayrou a lui-même été relaxé l'an dernier en première instance dans un procès comparable concernant les assistants d'eurodéputés de son parti centriste, le MoDem. En janvier, le premier ministre avait estimé que ces procès visant le MoDem comme le RN étaient fondés sur «une accusation injuste». Il avait aussi considéré comme «très dérangeant que des jugements soient prononcés sans qu'on puisse faire appel».
Marine Le Pen n'a pas de voie de recours contre l'application immédiate de son inéligibilité, mais son avocat a d'ores et déjà annoncé qu'elle ferait appel de sa condamnation. Le numéro deux du MoDem Marc Fesneau, très proche de François Bayrou, a de son côté estimé que cette peine d'inéligibilité était «conforme» à ce que prévoit la loi et qu'il n'appartenait «pas aux élus de remettre en cause des décisions de justice». En revanche, il considère que la loi peut «légitimement interroger le législateur». «Peut-on condamner en première instance un élu avec exécution immédiate de sa peine, au risque de le condamner définitivement, avant toute forme d'appel?», s'est-il demandé dans un communiqué.