Édouard Jouannault Taylor de la fondation Le Refuge : « les discriminations spécifiques aux personnes LGBT + sont trop peu documentées »

Quelle est la vocation de l’Observatoire des vulnérabilités Queer, lancé officiellement par la fondation le Refuge ce mercredi 16 avril ?

Édouard Jouannault Taylor

Directeur de la communication de la fondation Le Refuge

Avant son lancement officiel nous avons inauguré l’Observatoire des vulnérabilités queer dès le mois d’octobre 2024 avec une première publication, le 10 octobre, à cheval entre la journée mondiale de lutte contre le sans-abrisme et la journée mondiale du coming out. Ce panorama, documentait à partir de données recueillies par notre fondation en 2024, les liens entre violences intrafamiliales et sans-abrisme queer. L’idée était de comprendre pourquoi, quand on est une personne LGBT, on a plus de difficultés d’accès à l’emploi à la santé, on est davantage exposé au rejet familial ce qui maximise les risques de se retrouver à la rue.

Ce rapport nous a évidemment permis de porter à la connaissance du plus grand nombre les sujets qui sont au cœur de l’action du refuge et de faire de proposition quant aux réponses à apporter face aux différentes attaques contre les droits des personnes LGBT, dont on a un exemple très frappant cette semaine, en Hongrie, au sein même de l’Union Européenne où Viktor Orbán a décidé d’inscrire dans la Constitution de son pays les principes de la LGBT phobie d’État. C’est intéressant de ne pas se focaliser sur l’épouvantail américain et de regarder aussi ce qui se passe de ce côté de l’Atlantique.

Qu’est ce qui a motivé sa création ?

Nous sommes partis du constat qu’en 22 ans d’existence, le Refuge n’avait jamais agrégé de données sur son exercice, alors que nous disposons d’une ligne d’écoute. Cette porte d’entrée nous permet recueillir des témoignages et de faire des statistiques, d’autant plus précieuses qu’il en existe peu par ailleurs.

En France, les discriminations spécifiques aux personnes LGBT + sont très peu documentées par les services sociaux. À Paris le service d’orientation pour les personnes qui appellent le 115, ne pose pas nécessairement de questions aux requérants sur leurs besoins spécifiques en tant que personne LGBT + en situation de précarité. Notre observatoire a donc vocation à se mettre en lien avec les associations partenaires, comme Stop homophobie, Fédération des Acteurs de la Solidarité, le Défenseur des droits, avec qui travaille notre président Loïc Chave, mais aussi l’association AcceptST.

Quelles revendications portez-vous auprès des pouvoirs publics ?

Le dispositif national d’accueil et d’accompagnement de jeunes LGBT +, en situation de rejet familial, donc à la rue et sans ressources, que propose le Refuge est une partie de la solution. Mais, 1000 demandes nous sont faites annuellement alors que nous ne disposons que de 240 places d’accompagnement. Malgré une augmentation de nos capacités pour 2025, cela ne nous permet pas répondre à tous les besoins. De son côté, l’association AcceptST vient d’inaugurer il y a dix jours, une maison d’hébergement pour les personnes transgenres à la rue, donc nous essaimons, mais ces propositions d’accompagnement et d’hébergement méritent d’être déclinées par différents acteurs, avec chacun leur expertise, leurs spécificités.

Pour cette raison nous demandons la mise en place de financements dédiés par l’État et les Collectivités territoriales. Il faut notamment travailler la question de l’insertion professionnelle des personnes LGBT +, par l’emploi ou par la formation car si une personne subit, sur le marché du travail, les mêmes discriminations qu’elle a subies à la maison, à l’école, dans la rue, l’accompagnement proposé par le Refuge devient caduc. On souhaite être aidé à accomplir ce « dernier kilomètre » d’accompagnement.

On a ensuite besoin de pouvoir faire financer par les Conseils Départementaux en charge de la protection de l’enfance, des dispositifs d’urgence pour les mineurs queers qui sont rejetés par leurs parents sur ce motif-là.

Enfin nous demandons à l’exécutif de s’opposer aux différentes initiatives législatives qui vivent à restreindre les droits des personnes trans, notamment sur la limitation de l’accès aux soins médicaux, aux bloqueurs de puberté, pour les mineurs qui sont en questionnement de genre.

Pensez-vous que le message d’inclusion est assez porté dans notre société ?

Nous y travaillons quotidiennement et nous appelons au renforcement du Plan national pour l’égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT + (2023-2026), notamment par l’introduction de mesures complémentaires dédiées à la lutte contre les discriminations transphobes.

Différentes propositions de loi stigmatisantes pour les personnes LGBT + ont émergé ces derniers mois du côté du Sénat, sur des sujets qui sont assez fortement médiatisés par une certaine presse. Cela pose des questions très concrètes pour les personnes qui sont concernées et nous inquiète beaucoup.

Les médias se sont enfin emparés de la question des transidentités qui y était très peu abordée jusque très récemment. L’enjeu, positif, de la banalisation et de l’accès à une possible identification à des modèles trans est parfois supplanté par un traitement caricatural assez violent de la question LGBT +, qui fait évidemment du mal aux personnes directement concernées. L’idée d’un lancement public de notre observatoire est de montrer qu’un panel très large de participants est solidaire pour agir collectivement afin de protéger les personnes LGBT +. 

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