FC Lyon : le silence du club autour d’un entraîneur accusé de corruption de mineur et d’agression sexuelle sur de jeunes joueuses
Bradley* officiait en tant qu’entraîneur auprès des U15 féminines, des joueuses âgées de moins de 15 ans, du FC Lyon. Fort de ses 1 400 licenciés, le club se targue, sur son site internet, d’être « le troisième club français » et affiche « plus de 130 ans d’histoire et de passion ». Cette structure historique a néanmoins décidé de cultiver l’omerta autour de son jeune entraîneur, âgé de 23 ans.
Selon les informations du média d’investigation Mediacités, confirmées par le parquet de Lyon, Bradley a été placé en détention provisoire. Après enquête préliminaire, le suspect fait l’objet d’une information judiciaire pour plusieurs chefs tels que : agression sexuelle, exhibition sexuelle, corruption de mineur, détention d’images à caractère pédopornographique et atteinte à l’intimité de la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l’image d’une personne.
« L’affaire d’une chape de plomb »
L’entraîneur a été au contact de jeunes licenciées jusqu’en mars dernier. Le FC Lyon, au courant de l’affaire, a décidé de recouvrir « l’affaire d’une chape de plomb, en n’informant pas, ou sinon au minimum, les familles et autres coachs », annonce Mediacités. Le club de football a néanmoins remercié l’encadrant sportif.
Les comportements de Bradley ont soulevé l’attention des salariés du club dès le lancement de la saison 2024-2025. Bradley est alors chargé d’épauler Juliette Cinato, entraîneuse des U15 et joueuse au sein du FC Lyon depuis 2020.
Leur relation se tend dès le mois de septembre, lors du premier entraînement, durant lequel Bradley ignore sa collègue et tente de s’imposer comme le principal entraîneur.
Sur le terrain, « il était trop tactile, trop proche des petites, se rappelle Juliette. Il isolait les joueuses, en les prenant souvent à l’écart. » L’encadrante se souvient notamment d’un détail symbolique : son collègue refuse que les joueuses s’entraînent sans être en short. « À cet âge-là, on n’est pas toujours à l’aise avec son corps, certaines petites mettaient un pull autour des hanches, explique la joueuse du FC Lyon. Ça, il ne le tolérait pas et demandait d’enlever le pull. »
Suite à une réunion entre Bradley, le responsable du pôle féminin et Juliette – durant laquelle l’entraîneuse a expliqué « que ça ne peut plus durer » -, cette dernière annonce qu’elle va organiser des séances pour « certaines joueuses à part, sur d’autres horaires ». Bradley « venait rôder autour du stade, pour surveiller ce que je faisais », fustige-t-elle auprès de Mediacités.
« Il leur a juste dit que Bradley avait des problèmes avec la justice »
La situation bascule en mars 2025, lorsque Bradley est porté disparu. Si le club ignore, au départ, l’origine de cette absence, « le bruit circule rapidement que l’entraîneur a été placé en garde à vue ». Joueurs et cadres du club s’échangent alors des rumeurs pendant plusieurs semaines. Le FC Lyon, lui, ne communique pas. « Le premier week-end après l’arrestation de Bradley, les filles avaient un match et un responsable leur a juste dit que Bradley avait des problèmes avec la justice, qu’il avait fait quelque chose de grave et qu’il avait été viré », précise Juliette Cinato.
Le FC Lyon aurait pourtant pu prévenir la situation. De fait, l’institution sportive n’a pas cherché à se renseigner sur les comportements de Bradley auprès de son précédent club, l’AS Villeurbanne. Directeur du pôle féminin de ce dernier, Giovanni Giannotta a immédiatement remarqué les comportements suspects de l’entraîneur et d’un ami du même âge qui l’accompagne pour les entraînements des U13.
« Liens réguliers en dehors des temps d’entraînement, contacts sur les réseaux sociaux, temps isolés entre des joueuses et les éducateurs… », Giovanni Giannotta tente de confronter le duo. « Je leur fais la remarque une fois, deux fois, trois fois. Visiblement, que je pose un cadre, ça ne passe pas, raconte-t-il. J’ai alors alerté le club. »
L’AS Villeurbanne se résout finalement à agir, à la fin de l’année 2023, après que des parents de joueuses ont commencé à se plaindre. Les entraîneurs sont « remerciés » du pôle féminin. Le duo tente par la suite de rebondir à Villeurbanne United. « Le staff nous demande pourquoi ils ne sont plus chez nous, se souvient Giovanni Giannotta. On leur explique, et du coup ils sont remerciés aussi de United au bout de quelques semaines. »
Une enquête que n’a donc pas réalisée le FC Lyon. Le directeur du pôle féminin de l’AS Villeurbanne admet néanmoins à Mediacités n’avoir pas démarché la direction du FC Lyon. Ce dernier estimait alors – le cas Bradley n’étant pas, à ce moment-là, entre les mains de la justice – que « flinguer la réputation » du jeune entraîneur n’était pas nécessaire. La suite des événements lui a donné tort.
Encore aujourd’hui, les parents de joueuses du FC Lyon, comme la majorité des équipes du club, ne connaissent pas les détails de l’affaire. Seules les footballeuses interrogées par la police, et donc leurs familles, ont appris la vérité. Contacté par Mediacités, le président du FC Lyon, Patrice Réa, « a refusé de s’exprimer sur le sujet avant le jugement de son ancien éducateur, qui reste présumé innocent ».
*Le prénom a été modifié
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