« Haro sur les Jacobins » : Guillaume Roubaud-Quashie et Côme Simien retracent l’histoire méconnue des fers de lance de la Révolution

Il est des groupes politiques qui incarnent une idée de la politique elle-même : les Jacobins en font évidemment partie. C’est de ce « club » que les deux historiens Guillaume Roubaud-Quashie et Côme Simien s’attellent à dépeindre le réel par-delà les stéréotypes, quitte à entreprendre une histoire de l’histoire des Jacobins. Et ils sont nombreux, à l’égard de ces révolutionnaires, les stéréotypes.

Que furent-ils vraiment, en leur temps, de 1789 à 1794 ? Et après ? À quelles fins ont-ils été utilisés, réhabilités ou incendiés par les acteurs politiques qui leur ont succédé jusqu’à nos jours, dans cette ère nouvelle dont ils frayèrent le chemin ?

Le cliché le plus ancré aujourd’hui, dans les consciences antijacobines, est bien sûr celui de la centralisation. Qui n’a pas entendu discourir, ces dernières années, contre cette maudite « centralisation jacobine » ? Au point que la formule en est presque devenue un pléonasme, l’adjectif « jacobin » suffisant à qualifier toute politique centralisatrice, voire « parisianiste ».

Les Jacobins, les seuls à permettre une forme de démocratisation de la Révolution

Les deux auteurs montrent que les clubs révolutionnaires, de 1789 à 1792, ne s’appuient pas tant sur l’opposition entre Paris et la province que sur celle entre élites bourgeoises et classes populaires, dépourvues de droits civiques. Les clubs sont incontestablement bourgeois : les parrainages et cotisations exigés pour être des leurs en témoignent. Mais si les Jacobins n’échappent pas à la règle, ils seront néanmoins les seuls, à partir de la chute de la monarchie le 10 août 1792, à rebattre les cartes et à permettre une forme de démocratisation de la Révolution.

Dès lors fleurissent dans toute la France des sociétés populaires et autres clubs affiliés aux Jacobins et comptant dans leurs rangs de plus en plus d’hommes aux origines modestes. Et ce, y compris dans de petites bourgades. C’est même là que le mouvement jacobin « se fait, sociologiquement, le plus populaire ».

À propos des multiples formes de réhabilitation au XIXe siècle, les auteurs remarquent d’ailleurs que les Jacobins sont globalement méprisés par les classes possédantes. « Quoique les Jacobins d’hier répugnent à toute idée de lutte des classes, cela n’empêche pas le développement d’un jacobinisme relu à travers une perspective de classe ou, pour le moins, une optique plébéienne. » Ainsi dans les Misérables d’Hugo, les Jacobins sont méprisés par presque tous les personnages négatifs.

Mais le « jacobinisme » a-t-il seulement existé ? Dans les faits, il n’y a aucune doctrine claire, homogène, qui leur soit collectivement attribuable. Ni en théorie ni en pratique. S’il fut dans la seconde partie du XXe siècle amalgamé au « stalinisme », c’est que le jacobinisme a servi, y compris pour une partie de la gauche mitterrandienne, de preuve définitive à l’encontre de toute velléité révolutionnaire. Un trait d’union fut tiré entre Jacobins, despotisme, terreur et révolution, donnant du grain à moudre aux conservateurs de l’ordre social en place. L’histoire continue.

Haro sur les Jacobins, de Guillaume Roubaud-Quashie et Côme Simien, PUF, 240 pages, 19 euros

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