Les loups sont entrés dans la bergerie. Soit d’eux-mêmes, sous la bannière apparente des majors des énergies fossiles, soit car les États et les organisations internationales les ont fait entrer subrepticement au cœur de leurs propres délégations. À chaque COP le même scénario.
Le lobby des hydrocarbures interfère dans les négociations climatiques, tente de compromettre tout accord qui lui porterait préjudice, voire conclut de nouveaux contrats juteux d’exploration et d’exploitation de pétrole ou de gaz entre deux couloirs. Objectif final : retarder le plus longtemps possible l’inéluctable transition énergétique.
Dans un rapport paru en juillet 2024, le groupe de réflexion Influence Map a décrypté les ressorts de ce parasitage. Fini le climatoscepticisme pur et dur. Les entreprises fossiles ont depuis développé trois narratifs : les énergies renouvelables ne seraient pas fiables et il faudrait s’en remettre à un statu quo, des hydrocarbures dépendraient la sécurité énergétique mondiale et leur abandon engendrerait un boom des prix, et enfin, le libre marché devrait primer sur l’intervention des États.
Ce discours séduit de nombreux adeptes, alignés sur la tendance de backlash écologique à l’œuvre dans le monde ces dernières années. La présidence brésilienne de la COP30 de Belém devra, à rebours des précédentes éditions, s’en prémunir.
1 773 lobbyistes à la COP29, 2 450 à la COP28
Une coalition d’ONG, nommée « Kick Big Polluters Out » (KPBO : en français, « Mettez les gros pollueurs à la porte »), met chaque année en lumière l’ampleur de ce phénomène. L’an dernier, durant la COP29 de Bakou (Azerbaïdjan), KPBO a recensé pas moins de 1 773 lobbyistes accrédités sur les plus de 50 000 participants au sommet climatique. Soit plus de laissez-passer que le total des délégations des dix pays considérés comme les plus vulnérables face au changement climatique, parmi lesquels la Micronésie, l’Érythrée ou encore le Tchad.
« De nombreux délégués ne déclarent pas leur « affiliation », à savoir les organisations pour lesquelles ils travaillent où les intérêts qu’ils représentent », analyse KPBO. Ce qui leur permet de s’immiscer en masse, tout en passant inaperçu. Pire, sous bannière des États, ils n’ont plus le simple statut d’observateur et peuvent ainsi accéder à tous les espaces de négociation.
Chargée de campagne climat pour Greenpeace France, Sarah Roussel réclamait dans l’Humanité le 22 novembre 2023 que l’ONU agisse fermement : « Il faut qu’ils établissent une véritable politique en matière de conflits d’intérêts, avec un cadre de responsabilité précis pour empêcher que les entreprises puissent participer aux délégations des États et qu’elles n’aient que le statut d’observateur ».
Lors de la COP à Dubai (Émirats arabes unis), celle qui aura sans doute cristallisé le plus les critiques, la coalition a identifié environ 2 450 personnes ouvertement liées aux énergies fossiles. Un triste record et un bond phénoménal par rapport aux années précédentes.
« Le pétrole est un don de Dieu »
Deux éléments de réponse face à cette explosion. D’abord, les deux dernières COP se sont respectivement déroulées à Dubai et à Bakou, soit les capitales de deux pays dont la prospérité économique et la légitimité du régime reposent sur les énergies fossiles.
De quoi leur permettre de feindre d’agir pour le climat tout en poursuivant leur business, quitte à ce que le sommet onusien se transforme en bourse du pétrole et du gaz. Ensuite, si cette stratégie de lobbying est condamnable, elle n’a rien de surprenant.
Voilà des industriels qui défendent leurs intérêts économiques et à qui on donne la permission de le faire, par omission. Il suffit de reprendre les déclarations lunaires du président azéri, Ilham Aliev, en marge de la COP29, pour saisir le degré d’impunité : « Le pétrole est un don de Dieu. » Dont acte. Aux Nations unies désormais de prendre leurs responsabilités et de faire cesser ce que d’aucuns estiment être une pure mascarade.
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