REPORTAGE. "Il y a des endroits où je ne vais plus" : en Nouvelle-Calédonie, le vivre-ensemble mis à mal depuis les émeutes

La patronne des députés du RN Marine Le Pen, en visite en Nouvelle-Calédonie, a affirmé jeudi 29 mai vouloir "participer" aux futures consultations sur l'avenir institutionnel de l'archipel, convoquées mi-juin par le président Emmanuel Macron après l'échec de récentes négociations. Sur place, les plaies laissées par les émeutes sont encore à vif.

Au-delà des morts et des dégâts estimés à deux milliards d'euros, les violences entre indépendantistes et loyalistes ont laissé des traces plus profondes dans la société, mettant à mal le vivre-ensemble.

Dans le quartier indépendantiste de Montravel, au nord de Nouméa, les tôles calcinées d’une usine complètement détruite il y a un an s’entassent toujours au bord de la route. Un groupe de Kanaks observe les va-et-vient des forces de l’ordre encore très présentes dans le quartier. "C'est de la provocation, rien d'autre. Ils sont trois fourgons. Ils n'ont pas besoin de venir", lance Marcel Toyon, qui connaît bien la police.

Risque de nouvelle flambée

Le 10 mai 2024, ce Kanak est arrêté puis incarcéré pour avoir participé au soulèvement des indépendantistes. Marcel Toyon est aujourd’hui sous bracelet électronique. Il suffit, selon lui d’une étincelle pour que la violence reparte. "C'est sûr que les jeunes sont prêts à repartir sur le terrain et aller au front. Ils sont prêts à mourir pour leur pays", lance-t-il.

"Ce n'est pas contre les Français, c'est contre l'Etat colonial."

Marcel Toyon

à franceinfo

Pourtant, les Français justement, terme employé pour désigner les non-Kanaks, se souviennent avoir été pris pour cible l’an dernier. Gill est photographe à Nouméa et il n’a toujours pas digéré. "Il y a des endroits où je ne vais plus et où je vais mettre à mon avis un peu de temps à retourner. J'ai un peu de mal à me dire que je vais recôtoyer l'intégralité de la Calédonie comme je le faisais avant. Ça me ramène trop aux émeutes, au fait d'avoir vu cette population mettre à feu et à sang le pays. Très régulièrement, dans la rue, il y a des Kanaks qui hurlent 'enculés de blancs', 'rentrez chez vous', 'c’est chez nous ici'", rapporte Gil.

Certains d'entre eux se sont même organisés depuis en groupe de "voisins vigilants", nom qu’ils se sont donné pour être "prêts en cas de nouvelles violences", assurent-ils. Clément vit dans un quartier huppé de Nouméa. "On est maintenant tous connectés les uns aux autres et le jour où il y a un truc qui dérape, en trente secondes, tout le monde est prévenu et on sait tous ce qu'il faut qu'on fasse. Un tel doit emmener sa voiture pourrie à l'entrée du quartier, tel autre doit préparer plusieurs kilos de riz... On est prêts quoi". Prêts et armés, menace ce chef d’entreprise qui n’hésite pas à parler d’un climat de guerre civile en Nouvelle-Calédonie.