Laurent Mauduit : « L’entente est de plus en plus manifeste entre les puissances d’argent et l’extrême droite »
L’extrême droite est devenue fréquentable. Si ce constat s’applique malheureusement à de plus en plus de milieux, c’est dans celui des affaires qu’il apparaît comme le plus inquiétant. En France, le patronat a renoncé au barrage républicain et discute désormais avec le Rassemblement national. En échange, le RN lui donne des gages.
Dans son livre Collaborations – Enquête sur l’extrême droite et les milieux d’affaires (la Découverte), à paraître ce jeudi 11 septembre, le journaliste Laurent Mauduit fait état de ces rapprochements qui pourraient favoriser l’arrivée du parti lepéniste au pouvoir.
Il y a les milliardaires idéologues comme Vincent Bolloré ou Pierre-Édouard Stérin, mais aussi le groupe Dassault, qui, avec le Figaro, œuvre à une union entre la droite, l’extrême droite, et les intérêts du grand capital. Des rencontres secrètes symbolisent les convergences d’intérêts entre les deux parties et esquissent l’avènement possible d’un capitalisme libertarien, ennemi de la démocratie et de l’État de droit.
Votre livre revient sur les rapprochements entre l’extrême droite et le patronat, qui se sont particulièrement accélérés à l’occasion des législatives de 2024. La séquence politique actuelle marque-t-elle une nouvelle étape des compromissions des milieux d’affaires vis-à-vis du RN ?

Laurent Mauduit
Journaliste
Absolument, on le voit bien dans le discours public du RN, qui multiplie les signes de connivence avec le patronat. Par exemple, la lettre de Jordan Bardella adressée aux chefs d’entreprise dans laquelle il leur donne des gages (baisse des impôts de production, suppression de centaines de normes environnementales… – NDLR). En réponse, les signes de connivence venus du Medef sont de plus en plus marqués.
Son président Patrick Martin a, il y a deux semaines, fait cette déclaration stupéfiante et honteuse disant que trois personnes avaient pris la « mesure des périls économiques », Gabriel Attal, Bruno Retailleau et Jordan Bardella. La gauche est hors du débat, hors de ce que les libéraux appelaient le cercle de la raison. Alors que le patronat, de 2002 à 2015, a fait jouer le barrage républicain, l’entente est de plus en plus manifeste entre les puissances d’argent et l’extrême droite.
Vous révélez dans votre livre que, contrairement à ce qu’a prétendu l’intéressé, Patrick Martin a bien rencontré Marine Le Pen début 2024. En quoi ces rencontres secrètes sont significatives ?
La presse a fait grand cas d’un déjeuner entre Marine le Pen et Henri Proglio, ancien PDG de Veolia et EDF avant les législatives de 2024. En réalité, les rencontres de ce type sont nombreuses et prouvent que, pour les milieux d’affaires, le RN est devenu fréquentable. C’est la voie de l’accommodement, de l’entente qui est choisie. De plus, une