Rassemblement national : la cryptomonnaie, symbole du virage ultralibéral de Marine Le Pen
Dix ans après avoir voulu les interdire, Marine Le Pen est devenue fan des cryptomonnaies. Dans le sillage des parlementaires de l’Union des droites pour la République (UDR) ou de Reconquête, le Rassemblement national planche de plus en plus sur cette monnaie électronique échappant au contrôle et à la régulation des États.
Un groupe de travail spécifique aurait été mis en place au sein du groupe parlementaire d’extrême droite et un amendement a été déposé en juin dernier afin de recourir au « minage ». C’est-à-dire, dans le cas du bitcoin, vérifier en permanence l’intégrité de la chaîne numérique (blockchain) sur laquelle sont inscrites les transactions financières. Ce qui nécessiterait d’investir dans du coûteux matériel en échange d’une rétribution en bitcoin.
Marine Le Pen elle-même a proposé en mars dernier, en visite à la centrale de Flamanville (Manche), qu’EDF utilise l’énergie nucléaire pour ce « minage », extrêmement consommateur en électricité, qui fait de la technologie un désastre écologique. Selon une analyse du New York Times, le Bitcoin représenterait à lui seul 0,7 % de la consommation électrique mondiale totale et émettrait 95 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an, autant que des pays comme le Paraguay ou le Maroc.
Symbole de l’ultralibéralisme
Sur ce point, l’intérêt du RN pour les cryptomonnaies est en phase avec leur ligne anti-écologique. Mais plus globalement, cet intérêt croissant constitue un nouveau marqueur libéral dans le logiciel économique du parti d’extrême droite, qui s’assume de plus en plus depuis 2022.
Si le Bitcoin est au départ un projet de monnaie virtuelle décentralisée, destiné à remettre en cause le rôle des banques centrales au lendemain de la crise des subprimes, sa nature a rapidement évolué vers un pur actif de spéculation capitaliste. Une dynamique renforcée par l’arrivée de cryptomonnaies concurrentes, nées de la volonté de soustraire les échanges financiers du joug de l’intermédiation bancaire et des monopoles publics, en parfait symbole de l’ultralibéralisme. Leurs créateurs ne s’en cachent pas, se revendiquant de « l’école autrichienne », pensée économique prônant l’individualisme et le rejet de l’intervention étatique tout en se montrant compatible avec l’autoritarisme politique.
Pour la spécialiste de l’économie du numérique Nastasia Hadjadji les cryptomonnaies ont même contribué à « diffuser ce logiciel, à la manière d’un cheval de Troie ». « Certains entrepreneurs l’assument, revendiquent une volonté d’affaiblir l’État, considèrent que le marché doit être libéré de toute forme d’ancrage, diabolisent le contrôle des banques centrales… Les autres ont fini par digérer ces idées », poursuit-elle.
L’autrice de No Crypto, Comment le bitcoin a envoûté la planète (Divergences, 2023) a d’ailleurs été frappée de constater la forte présence de personnalités liées à ce monde de la monnaie numérique au « Sommet des libertés », grand raout des extrêmes droites institutionnelles organisé en juin dernier.
Courroie de transmission de la pensée libertarienne
Sans s’en étonner. Le lien entre extrême droite et cryptomonnaie a été théorisé par l’universitaire américain David Golumbia. D’une part, car il considère que les promoteurs de la « crypto » sont par essence réactionnaires, en ce qu’ils professent le retour à un ordre antérieur, celui d’un étalon monétaire fixe, hier l’or, aujourd’hui le Bitcoin. D’autre part, ceux-ci s’inscrivent dans une mouvance « anarcho capitaliste » qui revendique une forme restrictive de la démocratie, confinant parfois au fascisme. « Ils revendiquent un glissement vers des formes de gouvernement plus autoritaires, qu’ils parviennent, grâce à l’attrait pour la cryptomonnaie, à rendre attractives et séduisantes », considérait le chercheur, décédé en décembre 2023.
Le libertarianisme, cher à Javier Milei en Argentine ou à Elon Musk aux États-Unis, s’inscrit aussi dans ce mouvement. Or, notamment du fait des succès électoraux de ces derniers, cette idéologie politique commence à se diffuser en France. Éric Ciotti s’en revendique, Éric Zemmour – qui a lancé sa campagne de la présidentielle 2022 dans les locaux de Ledger, fleuron français de la crypto – y fait référence, et Marine Le Pen semble progressivement s’y convertir.
La pensée libertarienne est aussi à la base du slogan, apparu en 2025 sur les réseaux sociaux, « Nicolas qui paie », diffusant l’idée d’une fiscalité trop forte et dont ne profitent, in fine, que les retraités et les immigrés.
« On sent poindre un mouvement qui revendique un pseudo bon sens économique, l’idée d’un vol de la part d’un État dispendieux, dont les dépenses publiques seraient en priorité destinées aux « autres », immigrés ou « assistés » », analyse Nastasia Hadjadji, qui rappelle que « l’impôt est vécu comme une spoliation dans les milieux de la cryptomonnaie ». Un discours liant individualisme économique et discours anti-immigration qui s’impose au Rassemblement national.
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