Autonomie financière des femmes : pour Héloïse Bolle, 60 ans après la loi du 13 juillet 1965, le compte n’est toujours pas bon

« Faut-il faire 50-50 quand l’un gagne plus que l’autre ? La réponse est non car la personne, le plus souvent l’homme, qui gagne le plus s’enrichit au détriment de l’autre », martèle Héloïse Bolle, d’ateliers en interview.

Avec son ton décalé, elle s’est imposée comme une des figures de ce nouveau combat féministe qu’est l’égalité financière et met en lumière la manière dont se construisent les inégalités dans le patrimoine. Après plus de quinze ans au magazine économique Challenge, elle a quitté la profession de journaliste. « Je ne faisais pas mon métier comme je l’aimais. À toujours aller plus vite sans s’arrêter pour réfléchir, on en arrive à adopter des réflexes moutonniers » , regrette-t-elle.

« J’en avais aussi assez d’être dans le récit, voire le commentaire, je voulais davantage être dans l’action », poursuit-elle. En 2018, après un master en gestion de patrimoine, elle opte pour le conseil dans ce domaine et fonde Oseille et Compagnie – « un nom jugé pas assez sérieux par tous ses interlocuteurs », s’amuse-t-elle.

« Dans 80 % des cas, la personne qui trinque après une séparation, c’est la femme »

Loin de l’image associée au secteur, elle ne réserve pas ses conseils à une population très aisée et sa clientèle est majoritairement composée de femmes. « Le lancement de mon activité a coïncidé avec
la sortie de mon premier ouvrage
« Les bons comptes font les bons amants », consacré à l’argent dans le couple et qui a bénéficié d’une bonne couverture médiatique », raconte-t-elle. L’ancienne journaliste économique était bien sûr au fait des inégalités économiques entre les femmes et les hommes, mais au fil de ses consultations, elle prend de plein fouet la violence de leur réalité.

« Dans 80 % des cas, la personne qui trinque après une séparation, c’est la femme », rappelle-t-elle. L’appauvrissement post-séparation ne touche pas que les femmes des catégories populaires. « Cela peut être aussi très compliqué pour de femmes en couple avec des hommes riches. » Mieux vaut donc prendre les bonnes décisions tant que tout va bien. « Un certain nombre de mes clientes sont en demande de conseils parce que leur couple va mal. Si la séparation est inéluctable, la seule chose que je peux faire est de leur donner les coordonnées d’une bonne avocate et de les inciter ne pas accepter un compromis trop défavorable pour éviter le tribunal », explique-t-elle.

Elle est frappée par la méconnaissance des régimes matrimoniaux et de leur incidence. Les situations qui l’ont le plus marqué ont été celles de couples pacsés avec des forts écarts de revenus. « Le Pacs est très défavorable à la personne, dans l’écrasante majorité la femme, qui a les plus petits revenus et qui a pris en charge le travail domestique non rémunéré car il n’existe pas de prestation compensatoire. Pas de pension de réversion non plus en cas de décès du partenaire », insiste-t-elle. Quant à l’union libre, pour elle, « c’est le far-west ! » tant les protections sont inexistantes.

Manque de temps, sentiment d’illégitimité

« Je vois tellement d’histoires très trash qu’il me semble important de toujours rappeler qu’il ne faut pas déléguer les questions financières, ni renoncer à son autonomie ! » Manque de temps, sentiment d’illégitimité empêchent encore trop souvent les femmes de prendre leurs finances en main. Et cela n’est pas sans conséquences, particulièrement après une séparation !

À travers ses consultations, ses posts sur Instagram ou mais aussi des ateliers, toujours avec humour, elle donne aux femmes les clés pour leur permettre de se saisir des questions financières. Sans langage abscons, l’ancienne journaliste explique la fiscalité, les bases des placements, la nécessité de construire un budget ; elle parle de répartition des dépenses au sein du couple, d’immobilier.

Elle s’adresse aussi aux créatrices d’entreprises, démonte les fausses économies, rappelle l’importance de se salarier et en profite pour pointer l’intérêt des impôts et des cotisations sociales. Avec d’autres créatrices de contenu, elle dénonce parallèlement la dimension profondément sexiste du système d’impositions, fustige le quotient conjugal qui réduit fortement les impôts du membre du couple qui gagne le plus – le plus souvent l’homme – mais aussi l’obligation de déclarer parmi les revenus la pension alimentaire touchée alors qu’elle n’a pourtant vocation qu’à compenser une partie des dépenses réalisées pour les enfants.


Son but est que les femmes fassent des choix éclairés et aient conscience de l’implication de leurs décisions. « S’arrêter de travailler, en cas d’expatriation de la famille ou pour élever les enfants, se mettre à mi-temps c’est non seulement ne pas toucher de salaires, mais s’appauvrir aussi au moment de la retraite », insiste-t-elle. Elle invite donc les femmes à faire les comptes des pertes au moment des choix familiaux et à oser elle-même investir leur argent. « De toute façon, la société entière a un avis sur tous les aspects de ta vie et notamment sur la manière dont tu gères ton argent. »

Urgence pour l’Humanité
Votre don peut tout changer

Faites vivre un média libre et engagé, toujours du côté de celles et ceux qui luttent
Je veux en savoir plus