Trêve à Gaza : "Les besoins sont absolument gigantesques", selon Médecins sans frontières

"Les besoins sont absolument gigantesques", estime jeudi 16 janvier sur franceinfo Isabelle Defourny, présidente de Médecins sans frontières, alors que l'annonce d'un accord entre Israël et le Hamas laisse entrevoir un espoir de voir arriver l'aide humanitaire dans la bande de Gaza après 15 mois de guerre. "On reste très prudent quant à la réalité de ce déploiement de l'aide, tempère-t-elle. Il faut que l'accord soit finalisé. Il faudra que le cessez-le-feu tienne dans la durée. On sait que les défis pour déployer l'aide vont être nombreux", explique-t-elle. L'accord doit entrer en vigueur à partir de dimanche.

franceinfo : Comment réagissez-vous à cette annonce d'accord entre Israël et le Hamas ?

Isabelle Defourny : C'est un soulagement, une joie avant tout pour la population de Gaza qui attend depuis des mois. On est également très content pour les familles des otages et des prisonniers palestiniens. Pour des organisations comme la nôtre, l'arrêt des bombardements, c'est la première condition. C'est une condition indispensable pour la mise en place des secours à hauteur du désastre.

On reste très prudent quant à la réalité de ce déploiement de l'aide. Il y a eu de nombreux effets d'annonce d'augmentation de l'aide ces derniers mois. Il faut que l'accord soit finalisé. Il faudra que le cessez-le-feu tienne dans la durée. On sait que les défis pour déployer l'aide vont être nombreux. Il va falloir qu'Israël facilite activement l'arrivée de l'aide, allège tous les mécanismes de vérification des camions. Il va falloir un effort proactif pour faciliter l'arrivée de l'aide. Puis, quand l'aide arrivera dans Gaza, on sait que les défis pour distribuer l'aide vont être nombreux, et notamment parce qu'un des acteurs majeurs, l'UNRWA, a été massivement affaibli ces derniers mois.

Êtes-vous prêt à déployer votre aide ?

On a déjà de nombreuses équipes sur place. On a un système d'approvisionnement qui est prêt. Cependant, les premiers camions qui vont rentrer, ça doit être la nourriture et les abris. Les besoins sont colossaux. En quinze mois de destruction active de la bande de Gaza, tout le système de santé est démantelé.

"La population vit dans des abris extrêmement précaires, des tentes, des morceaux de plastique qui ne leur permettent pas du tout de résister aux pluies et au froid."

Isabelle Defourny, présidente de Médecins sans frontières

à franceinfo

Le nombre d'enfants hospitalisés pour des pathologies liées au froid et aux conditions de vie est en explosion. Le nombre d'enfants atteints de malnutrition augmente. Près de 4 000 nouveaux enfants atteints de malnutrition le mois dernier ont été pris en charge. Les besoins sont absolument gigantesques.

La demande de soins psychologiques est aussi importante ?

Les traumatismes sont énormes. Il y a une demande très forte de la part de nos équipes, de la part de la population, pour avoir accès à des soins de santé mentale, des soins psychologiques. Il y a aussi énormément de sujets médicaux qui ont finalement été peu pris en charge. On s'est beaucoup concentrés sur les blessés de guerre et sur les enfants. Mais, par exemple, beaucoup de personnes sont atteintes de pathologies chroniques. Au début du conflit, on sait qu'il y avait environ 10 000 patients atteints de cancer avant la guerre. Où sont-ils aujourd'hui ? Sont-ils encore vivants ? C'est un grand point d'interrogation. Je pense aussi aux blessés de guerre qui ont certes été pris en charge, mais qui ont de réelles séquelles avec des risques de handicap dans la durée.