Cessez-le-feu, otages, libération de prisonniers... On vous détaille l'accord conclu entre Israël et le Hamas
Un accord longtemps espéré a enfin fini par voir le jour. Après plus d'un an de blocage, les négociations indirectes à Doha (Qatar) se sont accélérées à l'approche du départ de la Maison Blanche de Joe Biden, qui sera remplacé lundi par Donald Trump. Elles ont débouché, mercredi 15 janvier, sur l'officialisation d'un accord prévoyant un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et la libération d'otages, après plus de quinze mois d'une guerre entre Israël et le Hamas qui a fait des dizaines de milliers de morts dans le territoire palestinien.
La nouvelle a été saluée par de nombreuses capitales et organisations internationales. Et des milliers de Palestiniens ont exulté à travers la bande de Gaza assiégée et dévastée par la guerre qui a suivi une attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.
Les autorités israéliennes ont accusé jeudi matin le Hamas de provoquer "une crise de dernière minute" en revenant sur certains points de cet accord de trêve, ce qu'un haut dirigeant du mouvement islamiste a démenti dans la foulée, affirmant que ces accusations n'avaient "aucun fondement".
Les négociations sont donc toujours très tendues autour de cet accord "dont les derniers détails" sont en cours de finalisation, selon un communiqué du bureau du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, publié cette nuit. Voici ce que l'on en connaît à ce stade.
Un cessez-le-feu "entier et total" prévu dès dimanche
L'accord de cessez-le-feu doit entrer "en vigueur le [dimanche] 19 janvier", a exposé le Premier ministre du Qatar, Mohammed Ben Abderrahmane Al-Thani, dont le pays est l'un des médiateurs entre Israël et le Hamas. Sa première phase "durera 42 jours", a-t-il ajouté en conférence de presse. Soit six semaines au total, a confirmé le président américain Joe Biden, précisant que l'accord se traduirait, dans sa première phase, par un cessez-le-feu "entier et total".
Tous les combats doivent donc s'arrêter pendant cette période, et les forces israéliennes devront se retirer "vers l'est [de la bande de Gaza], loin des zones peuplées : ces forces seront positionnées le long de la frontière de Gaza", a souligné le Premier ministre qatarien. Elles s'installeront "dans une zone tampon, dont les détails doivent être précisés sur des cartes que les deux parties ont maintenant approuvées", précise le quotidien britannique The Guardian.
Ce retrait permettra aux "personnes déplacées de retrouver leur logement. Cela facilitera aussi le transfert de personnes blessées pour pouvoir suivre des traitements", a souligné Mohammed Ben Abderrahmane Al-Thani.
La libération de 33 otages israéliens contre des "centaines" de prisonniers palestiniens
D'après le Premier ministre du Qatar, lors de cette phase initiale, "le Hamas libérera 33 otages israéliens, dont des femmes civiles, ainsi que des enfants, des personnes âgées, des malades civils et des blessés". En échange, Israël devra remettre en liberté "des centaines" de prisonniers palestiniens, a précisé Joe Biden.
Ces libérations interviendront au compte-gouttes. "Le premier jour, trois otages seront libérés, et le quatrième jour, quatre autres le seront", précise le quotidien israélien Haaretz. "Ensuite, douze otages seront libérés en quatre étapes – trois par trois – les 14e, 21e, 28e et 35e jours de l'accord. Au cours de la dernière semaine de l'accord, les 14 otages restants seront remis en liberté", poursuit le journal. "C'est un accord au milieu des larmes qui, pour les familles concernées, constitue un ultime supplice qui est sans doute aussi dur que les quatorze mois précédents", a estimé Patrick Klugman, un avocat de familles d'otages, sur franceinfo.
Selon l'agence Associated Press, 50 Palestiniens devraient être libérés pour chaque femme soldate israélienne remise en liberté par le Hamas. Et 30 Palestiniens seront relâchés pour chaque autre otage rendu par le Hamas. Un haut fonctionnaire américain, cité par Haaretz et The Jerusalem Post, confie que cinq soldates israéliennes devraient être libérées dimanche, dans le cadre de ces échanges. Deux citoyens américains devraient également être remis en liberté au cours de cette phase initiale, précise The Jerusalem Post.
L'aide humanitaire va pouvoir entrer
L'aide humanitaire doit augmenter pendant cette première phase qui prévoit aussi "la réhabilitation des hôpitaux, centres de santé et autres, permettant l'entrée d'équipements de première nécessité, notamment pour les personnes déplacées qui ont perdu leur logement des suites de la guerre", a détaillé Mohammed Ben Abderrahmane Al-Thani. "On espère pouvoir monter en charge en termes d'action humanitaire", a déclaré jeudi sur franceinfo Jean-François Corty, président de Médecins du monde. L'ONG prévoit notamment de faire entrer 500 camions par jour dans la bande de Gaza. "Ce qui correspond aux entrées d'avant le 7 octobre 2023", a souligné Jean-François Corty, rappelant que "les besoins" actuels de la population gazaouie "sont immenses".
La libération des derniers otages interviendra dans un second temps
La deuxième phase doit permettre "une fin définitive de la guerre", a déclaré Joe Biden. Elle débutera par la libération des derniers otages encore en vie, "notamment les hommes et les soldats". Ils seront libérés en échange "d'un ratio équivalent de prisonniers palestiniens", rapporte le Guardian. Sur 251 personnes enlevées le 7 octobre 2023, 94 sont toujours retenues en otages à Gaza, dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne. Israël ne quittera "pas Gaza tant que tous les otages ne seront pas rentrés, les vivants et les morts", avait prévenu un responsable israélien avant l’annonce de l’accord.
Le sort des otages étrangers reste en suspens, observe Haaretz, puisque, "lors des négociations, Israël s'est concentré sur la libération des citoyens israéliens", fait valoir le quotidien, précisant toutefois que les négociateurs israéliens "ont exigé que tous les otages restants, y compris les ressortissants étrangers, soient libérés lors de la deuxième phase de l'accord". Parmi eux, on compte au total huit ressortissants thaïlandais, un Népalais et un Tanzanien, rappelle le journal.
Par ailleurs, cette phase devrait être marquée par le retrait de "l'ensemble des troupes israéliennes" de Gaza, a exposé le président américain. "Jusqu'à présent, Benyamin Nétanyahou s'était montré très réticent à l'idée de franchir ce pas, et les détails de cette deuxième phase dépendent de la suite des négociations, qui doivent débuter 16 jours après le début de la première phase", souligne le Guardian.
C'est ce qu'a reconnu Joe Biden mercredi, admettant qu'il restait "un certain nombre de détails à négocier, le passage de la phase 1 à la phase 2. Cependant, nous avons déjà convenu que si la phase 1 devait se prolonger au-delà de six semaines, les négociations se poursuivront", a prévenu le président américain. Pour suivre au plus près la mise en œuvre de l'accord, le Premier ministre du Qatar a déclaré qu'"un mécanisme de suivi" allait être mis en place au Caire "et géré par l'Egypte, le Qatar et les Etats-Unis".
La reconstruction de Gaza comme dernière étape
La troisième et dernière phase doit être consacrée à la reconstruction de Gaza et à la restitution des corps des otages morts durant leur captivité. "Les dispositions relatives à la future gouvernance de la bande de Gaza restent floues", relève le Guardian.
Déjà minée avant la guerre par un blocus israélien imposé depuis 2007, la pauvreté et le chômage, la bande de Gaza sort de la guerre plongée dans le chaos. Les Nations unies ont estimé que la reconstruction du territoire, dont plus de la moitié du bâti a été détruit, prendrait jusqu'à 15 ans et coûterait plus de 50 milliards d'euros. Les infrastructures, notamment le réseau de distribution d'eau, ont été très lourdement endommagées. "Il y a énormément de chantiers à reprendre, que ce soit en matière de santé, d'habitat, d'accès à l'eau et à la nourriture", a énuméré Jean-François Corty, le président de Médecins du monde, sur franceinfo.