« On nous asphyxie jusqu’à épuisement » : menacée de fermeture, la Maison des écrivains et de la littérature résiste
C’est une asphyxie programmée. Dans une lettre de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) Île-de-France, reçue le 14 février, la Maison des écrivains et de la littérature apprend que sa subvention pour l’année 2025 est réduite à 200 000 euros. Soit 150 000 euros de moins que celle de l’année précédente. Il y a encore dix ans, en 2015, la Mél était subventionnée à hauteur de 700 000 euros.
Créée en 1986, cette structure associative mène un formidable travail de terrain avec les publics scolaires, permettant à des écrivains de rencontrer collégiens et lycéens dans toute la France. Parmi ses actions phares figure le prix des lycéens et apprentis en Île-de-France, qui donne lieu à de passionnants échanges entre les élèves et les auteurs et autrices en lice. « La technique est rodée, on nous asphyxie jusqu’à épuisement des moyens financiers et humains », déplore Sylvie Gouttebaron, directrice de la Mél, « nous pouvons tenir jusqu’en juin, la fin de l’année scolaire. Mais la lettre de la DRAC précise que l’argent de la subvention ne doit pas servir à couvrir les frais de fonctionnement ».
Sur les 7 salarié.e.s, dont un.e en arrêt longue maladie, le ministère de la Culture en finance 5, ceux des deux chargées de mission étant payés par la région. Le loyer coûte environ 40 000 euros par an, auquel il faut ajouter l’électricité, le gaz, la comptabilité désormais externalisée. « Nous devons sortir 50 000 euros par mois, sans compter la rémunération des auteurs qui passe par la part collective du pass culture, pour laquelle nous sommes remboursés », précise Sylvie Gouttbaron.
Sur ce dernier point, rappelons que le 31 janvier dernier, le ministère de l’Éducation nationale, annonçait le gel provisoire du dispositif jusqu’en septembre, le plafond de 50 millions d’euros ayant été atteint. Si la Mél met la clef sous la porte, ce sont 30 000 élèves et leurs enseignants qui seront « privés de rencontres d’éducation artistique et culturelle », avec un impact évident sur l’activité des quelque 300 écrivains qui les mènent sur tout le territoire.
Un contexte général de coupes budgétaires
Dans un texte intitulé les Temps sont durs, publié par l’Humanité, l’écrivain Éric Pessan témoigne de ce travail de terrain : « À plusieurs reprises depuis bientôt vingt ans, la Mél m’a proposé d’animer des ateliers d’écriture en milieu scolaire. J’ai pris ma voiture ou je suis monté dans un train, j’ai rencontré des élèves, j’ai établi avec eux un contact et commencé un travail simple et ambitieux : leur montrer qu’ils ont le droit de s’exprimer, que lire et écrire sont des choses les concernant, qu’avec un peu de temps et d’écoute ils pouvaient s’approprier un projet artistique, s’y investir et produire une chose (un poème, des lettres ouvertes, un texte collectif, un manifeste pour la préservation des océans…) qui n’existait pas avant ma venue. »
Cette énième attaque contre la Maison des écrivains et de la littérature s’inscrit dans un contexte général de coupes drastiques opérées dans le budget de la Culture à l’échelle régionale et nationale, sans aucune discussion avec les structures concernées. « Derrière ce désengagement, c’est la casse du service public » constate Sylvie Gouttebaron, « le ministère de la Culture nous reproche de ne pas chercher de l’argent ailleurs, c’est faux, j’ai contacté une mécène potentielle. Mais faudrait-il que j’aille solliciter la Samaritaine et Bernard Arnault ? Les actions qui relèvent du travail de fond et ne sont pas visibles n’intéressent pas les mécènes. La vraie reconnaissance de notre travail, ce sont 10 élèves qui viennent en librairie avec leurs parents, pas des panneaux Decaux ».
Le ministère de la Culture ne souhaite pour l’instant pas répondre. De son côté, la Mél compte sur la mobilisation des auteurices et sur celle de tout le secteur de la culture. Après la pétition « Debout pour la culture ! » signée par plus de 40 000 artistes et professionnels, une AG est prévue le 25 février à 18 h 30 devant la Bourse du travail du 11e arrondissement de Paris, en attendant la grande mobilisation prévue la semaine du 17 mars.
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