En Ukraine, le Parlement va "corriger" la loi anticorruption controversée
L'Ukraine va "corriger" une loi révoquant l'indépendance d'instances de lutte contre la corruption qui avait provoqué un tollé chez nombre de ses alliés et des manifestations sur son sol, a promis le chef de la diplomatie ukrainienne, mercredi 30 juillet, à la veille d'un vote attendu au Parlement.
Cette loi, votée le 22 juillet puis promulguée, prévoyait de placer l'agence nationale anticorruption (le Nabu) et le parquet spécialisé anticorruption (le SAP) directement sous la tutelle du procureur général, lui-même nommé par le chef de l'État.
Décriée par la société civile et l'Union européenne, la loi ainsi adoptée avait provoqué les premières manifestations d'ampleur en Ukraine depuis le début de l'invasion russe en 2022 - des centaines de personnes étaient encore rassemblées mercredi soir à Kiev.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a fait marche arrière en proposant finalement un nouveau projet de loi rétablissant l'indépendance des agences concernées. C'est ce nouveau texte que les élus doivent examiner jeudi.
"Nous sommes en train de corriger cela", a affirmé mercredi le ministre des Affaires étrangères, Andriï Sybiga, dans un commentaire écrit transmis à l'AFP.
Il a dit s'attendre à un vote dès jeudi, affirmant que la lutte contre la corruption était "une position de principe du président Zelensky".
"Une société civile forte et d'une jeunesse active"
"L'Ukraine dispose d'une société civile forte et d'une jeunesse active. Elles ont exprimé leur point de vue. Les autorités ukrainiennes ont entendu leurs voix, ainsi que celles de nos partenaires", a relevé Andriï Sybiga.
Le ministre a estimé que des "ajustements" avaient été nécessaires pour protéger les agences de lutte contre la corruption des jeux politiques, en particulier de ceux "de la Russie".
"Il fallait trouver un équilibre entre les risques de sécurité et la réforme, et c'est ce qui a été fait", a-t-il jugé.
Confronté à la première crise politique grave depuis le début de son mandat, il y a six ans, Volodymyr Zelensky a d'abord tenté de défendre le texte en accusant les structures concernées d'inefficacité et d'être sous "influence russe".
Le président ukrainien a finalement assuré vendredi dernier avoir "écouté" les manifestants.
Nouvelle manifestation
Le nouveau texte de loi, qui doit être examiné jeudi, renouvelle la plupart des dispositions assurant l'indépendance de l'agence nationale anticorruption et du parquet spécialisé anticorruption.
Il introduit cependant des vérifications supplémentaires, notamment des tests réguliers au détecteur de mensonges pour leurs employés avec accès aux informations classifiées, en vue d'exclure toute "action au profit" de la Russie, selon le texte publié sur le site du Parlement.
Plusieurs centaines de personnes se sont encore rassemblées mercredi soir à Kiev en signe de protestation, selon des journalistes de l'AFP. Sous une pluie fine, ils ont appelé à "ne pas toucher" aux agences anticorruption, scandant aussi que "le gouvernement, c'est le peuple".
Créés en 2015 sous la pression de l'Occident, le Nabu et le SAP ont mis au jour des affaires majeures de corruption, y compris au sein de la présidence, du Parlement et parmi les juges, mais beaucoup d'entre elles n'ont pas débouché sur des condamnations en justice.
Ainsi, sur les dix affaires de corruption contre de hauts responsables d'État énumérées comme les plus importantes par le Nabu, seulement trois - visant deux députés et un juge - ont été suivies par des peines de prison.
Avec AFP