Transition énergétique : "Je ne pense pas que Donald Trump puisse aller, ni ne veuille aller, contre un phénomène mondial", espère François Gemenne
Lundi 20 janvier 2025, Donald Trump sera officiellement investi comme 47e président des États-Unis, avec un mot d’ordre en matière de politique énergétique : "Drill, baby, drill" ou "Fore, bébé, fore". Un slogan que le républicain a répété tout au long de sa campagne et fait référence à l'intensification des forages pétroliers. "Donald Trump voit clairement les énergies fossiles comme un instrument de puissance géopolitique, et c’est d’ailleurs pour ça qu’il lorgne aussi sur le Groenland. Cela dit, je ne suis pas sûr que sa présidence puisse vraiment remettre en cause la transition énergétique aux États-Unis", analyse François Gemenne.
franceinfo : N'est-ce pas l'ambition de Donald Trump, d'en finir avec la lutte contre le changement climatique, auquel il ne croit guère ?
François Gemenne : Ça, c’est ce qu’il dit pour séduire ses électeurs – et il faudrait d’ailleurs s’interroger quant au fait que cela soit devenu un argument électoral. Dans les faits, pourtant, si on regarde son premier mandat, on n’a pas vu d’effet très clair sur les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis : ces émissions sont en baisse depuis 2007, et Joe Biden a accordé beaucoup plus de licences d’exploitation pétrolière que Donald Trump au cours de son premier mandat.
Comment est-ce possible ?
On ne s’en rend pas bien compte, mais quand Donald Trump promet "Drill, baby, drill", il va sincèrement avoir du mal à faire plus que Joe Biden, même s’il pourrait autoriser des forages en Alaska, un territoire que Joe Biden a essayé de sanctuariser avant la fin de son mandat. Et d’autre part, les investissements dans les énergies décarbonées sont en hausse continue aux États-Unis depuis plusieurs années, tandis que les investissements dans les énergies fossiles sont en baisse – et ça, c’est l’effet du marché, pas des politiques de la Maison Blanche. En 2024, aux États-Unis, on a investi 197 milliards de dollars dans les énergies fossiles, et c’étaient 228 milliards en 2019. C’est-à-dire que même aux États-Unis, on investit désormais moins dans les énergies fossiles que dans les énergies décarbonées : environ 300 milliards en 2024 pour les énergies décarbonées.
Donc vous pensez que cette transition continuera, même sous la présidence de Donald Trump ?
Il y aura beaucoup d’effets néfastes, bien sûr. Mais je ne pense pas que Donald Trump puisse aller, ni ne veuille aller, contre un phénomène mondial. Dans le monde, on investit chaque année davantage dans les énergies décarbonées que dans les énergies fossiles : 2000 milliards en 2024, contre environ 1000 milliards dans les énergies fossiles. C’est une tendance qui se poursuit depuis 2016. Je pense qu’elle se poursuivra aux États-Unis aussi, parce que c’est l’intérêt des investisseurs. Vous connaissez l’État où les énergies renouvelables se sont le plus développées l’an dernier : c’est le Texas. Qui a pourtant voté comme un seul homme pour Donald Trump.
Donc vous pensez qu’il n’y aurait rien à craindre d’une présidence de Donald Trump pour la transition énergétique ?
Ne me faites pas dire ça non plus ! Le risque, je crois, c’est surtout sur l’exportation des énergies fossiles. Parce que la transition implique à la fois une hausse des investissements dans les énergies décarbonées – et celle-là se poursuivra – mais aussi une baisse des investissements dans les fossiles – et c’est là-dessus que j’ai beaucoup plus de craintes.