"À ce stade, la Russie n'est pas une menace militaire directe aux portes de la France", déclare l'eurodéputée LFI Manon Aubry

"La Russie est une menace immédiate pour l'Ukraine, pour nos démocraties, mais à ce stade elle n'est pas une menace militaire directe aux portes de la France", déclare Manon Aubry, députée européenne La France insoumise, invitée de Questions politiques, sur France Inter et franceinfoTV, avec Le Monde dimanche 9 mars, faisant écho aux propos tenus la veille sur franceinfo par la députée LFI Alma Dufour.

La présidente du groupe de la gauche au Parlement européen réagit à l'allocution d'Emmanuel Macron qui, mercredi, assurait que "notre prospérité et notre sécurité sont devenues incertaines". Si Manon Aubry assure qu'"il faut raison garder pour ne pas agiter les peurs", elle reconnaît que "pour autant, il faut se préparer" à l'éventualité d'une escalade entre l'Europe et la Russie.

Pour autant, l'élue LFI se montre critique vis-à-vis du président français, qui a "préparé les esprits à une économie de guerre au nom de laquelle il faudra faire des sacrifices". "Où va-t-il prendre l'argent ? Dans les hôpitaux, dans les écoles ?", interroge Manon Aubry, qui "refuse qu'on demande aux Français de faire des sacrifices au nom de la guerre". "Il y a de l'argent frais sonnant et trébuchant pour nos chars d'assaut mais pas pour nos hôpitaux", grince la présidente du groupe de la gauche au Parlement européen, alors que le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, annonce dimanche dans La Tribune Dimanche que la France va mobiliser "une nouvelle enveloppe de 195 millions d'euros" issus des intérêts des avoirs russes afin de livrer à l'Ukraine "des obus ainsi que des bombes planantes".

Confisquer les avoirs russes serait "un acte de guerre"

La France utilise aujourd'hui les intérêts de cet argent confisqué, mais se refuse pour l'instant à se servir directement d'une partie de ces avoirs russes, qui représentent 209 milliards d'euros en Europe.
"Nous sommes favorables au gel des avoirs, et à son extension", indique Manon Aubry. Néanmoins pour l'élue LFI, confisquer les avoirs serait une "fausse bonne idée : c'est considéré comme un acte de guerre, nous entrerions alors en guerre avec la Russie". Elle pointe une deuxième difficulté, la possibilité de mesures de retorsion de la Russie, au regard du droit international, et la possibilité, in fine, de devoir rembourser cet argent déjà dépensé pour soutenir l'effort de guerre ukrainien.

Face à la volte-face des États-Unis, qui ont décidé de suspendre leur soutien militaire à l'Ukraine, en attendant de réévaluer la situation, Manon Aubry appelle la France et l'Europe à "s'extirper du joug de l'Otan", afin, dit-elle, de "garantir notre indépendance". Or, affirme l'eurodéputée, "ce n'est pas l'objectif de l'Europe de la défense qui nous est présenté aujourd'hui".

Pour contrer le "projet impérialiste" de Vladimir Poutine, qui n'a "pas réussi à mettre les États baltes et de l'est de l'Europe dans son escarcelle", Manon Aubry, qui "ne souhaite pas que l'Ukraine soit écrasée", appelle à "une solution diplomatique" à laquelle "le président de la République a mis longtemps à se rédoudre : il le fait dans un moment où l'Ukraine est dans une situation militaire relativement faible".
Cet accord de paix doit être "discuté par les deux parties prenantes, l'Ukraine et la Russie, et avec l'Union Européenne", plaide la présidente du groupe de la gauche au Parlement européen, qui assure qu'il ne faut "pas exclure une force de maintien de la paix sous l'égide des Nations unies".

Interrogée sur la place de l'Union européenne dans ce qui se passe à quelques kilomètres seulement de ses frontières, Manon Aubry "regrette que l'UE n'ait pas joué le rôle qu'on aurait pu espérer" en termes de diplomatie, et que "la France n'ait pas non plus pris le leadership". Certes, Emmanuel Macron a organisé des sommets, mais selon l'eurodéputée, ils ne se sont "conclus par rien", pointe-t-elle.
Enfin, sur la difficulté des Européens à s'entendre, Manon Aubry rappelle que "qui dit défense europénne commune dit politique européenne commune". Or, appuie-t-elle, "on le voit, sur le terrain ukrainien comme sur beaucoup d'autres terrains, l'Union européenne a du mal à parler d'une même voix". La présidente du groupe de la gauche au Parlement européen lance également un avertissement pour que l'organe ne soit pas mis de côté par la Commission europénne "qui passe en force : dans ce cas-là, autant mettre le Parlement européen à la poubelle", cingle Manon Aubry.