« Il se souvient de ce qu’il veut » : des victimes de Bétharram et des députés condamnent la défense de François Bayrou lors de son audition

Pendant plus de cinq heures, le premier ministre François Bayrou aura tenté d’échapper à l’évidence : il a menti face aux parlementaires, médias et n’a pas agi alors que les violences sexuelles ayant gangrené l’établissement catholique Notre-Dame de Bétharram, situé dans son fief de Pau. Interrogé par les rapporteurs Paul Vannier (la France insoumise, LFI) et Violette Spillebout (Renaissance), dans le cadre de la commission d’enquête sur les violences dans les établissements scolaires, l’élu béarnais n’a cessé de réfuter les accusations et de dénoncer une cabale politique.

« Nous avions mené nos travaux aussi sereinement que d’habitude, avec la même méthodologie que l’on utilise depuis plus de deux mois et nous avons auditionné plus de 100 personnes, a répondu la présidente de la commission, et députée socialiste de Seine-Saint-Denis, Fatiha Keloua Hachi. Je l’ai trouvé confus, parfois même agressif à notre égard. »

« Je n’ai bénéficié d’aucune information privilégiée »

« Tout ce que je savais, je l’ai su par la presse, a ainsi martelé l’ancien président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, en réponse à une question sur ses propos tenus devant les députés, le 11 février dernier. Je n’ai eu pas d’autres informations, comme ministre de l’Éducation nationale, que par la presse. Et je n’ai bénéficié d’aucune information privilégiée. » Une version qui n’a pas de sens pour Jean-François Lacoste-Séris, dont le fils a été agressé par un surveillant de l’établissement catholique. L’agresseur en question a été condamné par la justice en 1996, à l’issue d’un procès dont le sujet était donc public.

C’est pourquoi, après avoir assisté à l’audition de François Bayrou, il fustige « un homme qui se souvient de ce qu’il veut et qui ne se souvient pas de ce qu’il ne veut pas », rapporte RTL. Jean-François Lacoste-Séris a suivi la séance en direct avec quatorze autres victimes, à Bordères (Pyrénées-Atlantiques).

À l’inverse, Thierry Sautier – qui a été victime d’agression sexuelle par un surveillant toujours en liberté – a regretté, auprès de RTL, que « le ton de la commission soit particulièrement dur ». Ce dernier a eu « l’impression qu’on se trompe de cible », rappelant que « ce n’est pas François Bayrou qui nous mettait la main aux fesses, ce n’est pas François qui venait nous fracasser dans les dortoirs ou sur le perron ».

L’attitude du premier ministre, entre la multiplication des incohérences et des attaques directes envers certains lanceurs d’alertes, n’aide néanmoins pas. Exemple avec sa réaction au témoignage de Françoise Gullung, ancienne professeur de mathématiques de Notre-Dame de Bétharram qui affirme avoir prévenu le maire de Pau des pratiques violentes au sein de l’école béarnaise dès 1995.

François Bayrou n’a pas hésité, face aux rapporteurs, à remettre en question la version de l’ex-professeure interrogée lors d’une précédente audition. « Non, je n’ai pas affabulé », a-t-elle assuré en réaction, mercredi 14 mai, sur le plateau de Franceinfo.

« J’affirme que cette dame, je ne veux pas utiliser le mot de mentir, je déteste ce mot que vous utilisez tant… Elle a affabulé », avait lancé le premier ministre quelques heures plus tôt. « J’ai alerté en son temps Monsieur Bayrou de problèmes graves à Bétharram. Après, Monsieur Bayrou, qui était à l’époque ministre de l’Éducation nationale, avait l’obligation au minimum de vérifier la vérité des problèmes, et ne l’a pas fait, rétorque-t-elle. Je déplore qu’il ait permis, inconsciemment que, pendant trente ans supplémentaires, des enfants subissent des violences physiques et sexuelles », a répondu l’ex-professeure.

« Il a quarante-trois ans de mandat politique dans la région et il nous dit qu’il n’a pas vu, pas entendu, pas lu, n’est pas intervenu. Est-ce crédible ?, questionne, de son côté, Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis apparenté aux Écologistes, sur le plateau de Télématin (France 2), jeudi 15 mai. Il y a là-dedans du trumpisme à la sauce béarnaise. » Un sentiment déjà partagé par la députée socialiste des Pyrénées-Atlantiques, Colette Capdevielle, dans la soirée du mercredi 14 mai : « Il accable l’enseignante qui a servi de lanceur d’alerte, prétend que deux militaires haut gradés de la gendarmerie sont des menteurs, se victimise. Pour moi, c’est assez accablant, c’est un véritable naufrage. »

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