Après Bétharram, la parole des victimes de l’enseignement catholique se libère

Un million de francs de subventions ont été accordés à Notre-Dame-de-Bétharram à la fin des années 1990 par François Bayrou tout en ayant connaissance des violences, selon des informations de nos confrères de Mediapart publiées ce mercredi 12 mars. Le même jour, Alain Esquerre, le fondateur du collectif des victimes de Bétharram, exprime son sentiment d’avoir « ouvert une boîte de Pandore sur les violences physiques et sexuelles dans les établissements confessionnels », dans un entretien à La Croix paru ce mercredi 13 mars.

« Je pense qu’il va y avoir d’autres Bétharram qui vont se manifester, parce que la parole est en train de se libérer », a déclaré vendredi le porte-parole du collectif des victimes, Alain Esquerre.

79 membres d’un collectif pour dénoncer les violences au collège catholique Saint-Pierre, surnommé « le bagne »

D’anciens élèves d’un collège catholique Saint-Pierre, surnommé « le bagne », et situé sur la commune du Relecq-Kerhuon (Finistère), se sont regroupés en collectif pour dénoncer les violences physiques systématiques dont ils ont fait l’objet durant leur scolarité, ont-ils raconté mardi à l’AFP. C’est l’affaire de Bétharram qui a conduit les anciens de Saint-Pierre à créer un collectif, qui comptait 79 membres à la date du 11 mars. Les faits étant prescrits, les membres du collectif espèrent « faire reconnaître leur statut de victime » et obtenir des « réparations ».

Suite aux articles parus dans Le Télégramme et Ouest-France, de nouveaux témoignages affluent chaque jour. Interrogé par l’AFP, Frédéric B raconte avoir été « traîné par les cheveux au tableau pour des leçons mal acquises ». L’homme qui témoigne à l’âge de 64 ans décrit également des « claques aux élèves jusqu’au saignement de nez ». Ces faits se sont produits de 1974 à 1977 lorsqu’il fréquentait le collège Saint-Pierre après avoir été scolarisé à Notre-Dame-de-Bétharram de 1970 à 1972.

Notre-Dame du Sacré-Cœur, dit Cendrillon, à Dax

Dans les Landes, le diocèse d’Aire-et-Dax a confirmé avoir reçu deux « signalements » fin 2021 concernant le collège Cendrillon de Dax, après la publication de témoignages d’anciens élèves. Laurent, 68 ans, scolarisé dans cet établissement en 1974, a fait état auprès de l’AFP de « branlées, coups de poing, baffes sur la tête », indiquant avoir subi des violences physiques de la part de « curés, pions et surveillants généraux ». « Au dortoir il y avait un temps fixe pour se mettre au lit, extinction des feux qu’on soit au lit ou pas encore couchés, puis la lumière se rallumait et les sévices tombaient », raconte-t-il.

« On était privés de nourriture et violentés »

Un collectif de victimes de l’établissement Saint-François Xavier à Ustaritz (Pyrénées-Atlantiques) a vu le jour sur Facebook. « Quand j’ai lu les témoignages des victimes de Bétharram, j’ai compris que j’avais vécu la même chose », témoigne Gilles, 63 ans, ancien élève dans les années 1970.

« On était privés de nourriture et violentés », dit-il, décrivant la punition de la règle en bois, qui consistait à s’agenouiller sur une petite règle « devant la porte d’un curé et à apprendre par cœur une leçon. J’ai souvenir de ne plus réussir à me lever ».

Des maltraitances à Notre-Dame de Garaison

La très réputée école catholique Notre-Dame de Garaison, à Monléon-Magnoac (Hautes-Pyrénées) – où a été scolarisé notamment l’ancien premier ministre Jean Castex –, a à son tour été accusée de maltraitances. Des témoignages d’anciens élèves ont dénoncé des violences physiques corporelles quotidiennes de la part de surveillants et de cadres de l’école, soutenus par leur hiérarchie.

En outre, une plainte contre X pour viols, violences physiques et sexuelles a été déposée mercredi 5 mars, selon les informations d’Ici Béarn Bigorre. La victime est un homme de 44 ans, il a été scolarisé pendant deux ans, à partir de 1991.

Les « enfants des prolos » visés

En Normandie, un ancien élève d’un établissement catholique l’école Jeanne d’Arc et dans l’internat Saint-Joseph à Aumale (Seine-Maritime) a également témoigné auprès de France 3 avoir vécu une « torture mentale et physique » entre 1977 et 1980. « C’était sur les enfants les plus faibles, les enfants des prolos, de basse extraction, pas les bonnes familles », assure-t-il.

« C’était un acharnement intellectuel et physique. On parle de sadisme » a-t-il poursuivi. Il a créé une page Facebook « Appel aux anciens de l’école Jeanne d’Arc et internat Saint-Joseph à Aumale » pour que « les gens se manifestent, ceux dont la mémoire serait revenue ».

Jugeant l’afflux de témoignages « très inquiétant » et signe d’un « dysfonctionnement généralisé de nombreux établissements privés », le fondateur du collectif des victimes de Bétharram Alain Esquerre juge nécessaire de « créer une entité pour répertorier tous ces faits ». Il plaidera également pour l’octroi aux victimes d’un statut « qui donnerait accès à des soins gratuits, des thérapies », lors d’une rencontre avec la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne le jeudi 20 mars.

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