Délais trop longs, manque d’accès aux soins… Pourquoi la Défenseure des droits alerte l’État sur les « lourdes défaillances » de la protection de l’enfance

Le 25 janvier 2024, Lily, une jeune adolescente de 15 ans, s’était suicidée par pendaison, dans la chambre de l’hôtel où elle avait été placée par l’aide sociale à l’enfance. Ce drame avait remis sur le devant de la scène la défaillance, mais aussi la complexité, du système de la protection de l’enfance.

Plus d’un an plus tard, l’État est interpellé et sommé d’agir pour faire face aux « lourdes défaillances » observées dans la protection de l’enfance. C’est la Défenseure des droits, une autorité indépendante dirigée par Claire Hédon, qui tire la sonnette d’alarme via une décision-cadre de plus de 60 pages qui doit être publiée jeudi 30 janvier.

En dépit de nombreuses interpellations, la situation de la protection de l’enfance « se dégrade, de manière plus marquée ces dernières années », constate cet organe administratif, qui demande au gouvernement de « rendre compte des suites données » à ses recommandations – une trentaine – dans un « délai de quatre mois ».

Former les enseignants sur « la protection de l’enfance, aux droits de l’enfant, à la lutte contre toutes les formes de violences »

« En 2022, pour la première fois, des magistrats, juges des enfants, ont attiré (notre) attention sur la situation de la protection de l’enfance dans leur département, faisant état de lourdes défaillances du dispositif, avec un impact très défavorable sur la situation des enfants », ajoute-t-elle.

Concernant le financement de la protection de l’enfance, secteur géré par les départements, la Défenseure des droits recommande à l’État « de compenser les charges induites par les obligations nouvelles pesant sur les départements, et d’augmenter significativement la partie de son budget consacrée aux solidarités ».

Elle appelle parallèlement à « donner à la justice les moyens d’assumer son rôle » dans la protection des enfants. Les délais d’audiencement ou de réalisation des enquêtes sociales se révèlent largement « insatisfaisants », selon elle. Le financement insuffisant et le manque de professionnels disponibles sont mis en cause.

En outre, l’« urgence » à intervenir en faveur d’un « service social scolaire solide », « y compris dans les écoles élémentaires », est relevée par l’institution qui recommande également d’intégrer à la formation initiale des enseignants de modules relatifs à « la protection de l’enfance, aux droits de l’enfant, à la lutte contre toutes les formes de violences ».

Des « difficultés relatives à l’accès aux soins en santé mentale »

Dans un contexte de crise, « la tentation est grande d’empiler en urgence des solutions partielles défaillantes et d’adopter des réflexes défensifs », estime-t-elle. Elle cite les mineurs non accompagnés (MNA) et les enfants en situation de handicap désormais « pointés comme n’ayant pas leur place dans les établissements de la protection de l’enfance ». Or, « tous les enfants en danger ont vocation à être protégés par un dispositif de protection de l’enfance exempte de toute discrimination », poursuit l’autorité administrative.

Sur la situation des MNA, la Défenseure des droits appelle les départements à ajuster leur dispositif d’accueil provisoire « en lien avec les préfectures » et déplore « l’insuffisance des réponses de l’État dans l’ensemble des départements concernés ».

Et concernant les jeunes majeurs, un « accompagnement adapté à leurs besoins » est demandé. La Défenseure des droits émet également des inquiétudes sur les « difficultés relatives à l’accès aux soins en santé mentale ». Les enfants concernés, « dont les symptômes peuvent provenir de troubles de l’attachement développés dans les premiers mois et années de vie, sont malheureusement amenés à subir régulièrement des ruptures de parcours et des réorientations multiples », note-t-elle. Dans le même temps, elle appelle à généraliser les unités d’accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED).

Un constat partagé par de nombreux acteurs du secteur. Ainsi, Isabelle Moret, directrice générale de l’association SOS Villages d’Enfants, dans une tribune de l’Humanité, alertait la semaine dernière : « La protection de l’enfance est dans un état d’urgence qui nécessite un ministère de plein exercice doté de moyens humains et financiers ».

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