Près de 8 ans après la mort de l’agriculteur Jérôme Laronze, tué par les tirs d’un gendarme, la Défenseure des droits demande une procédure disciplinaire
Le 20 juin 2017, des gendarmes sont en service, dans la campagne de Saône-et-Loire, à une trentaine de kilomètres de son exploitation de Jérôme Laronze, un éleveur de 36 ans également syndicaliste de la Confédération paysanne. Ce sera le dernier jour de l’agriculteur. Il est tué par les tirs d’un des gendarmes.
Ce jour-là, l’homme est alors en cavale depuis neuf jours. Le 11 mai 2017, des agents des services sanitaires, accompagnés par les gendarmes, étaient venus recenser un troupeau de vaches, en vue de sa confiscation dans son exploitation à Trivy (Saône-et-Loire).
Après plusieurs heures, l’agriculteur prend la fuite. Dans la foulée, un gendarme porte plainte pour violence et refus d’obtempérer, Jérôme Laronze lui aurait foncé dessus avec son tracteur avant de s’échapper. Durant les trois années précédentes, de telles visites ont eu lieu une demi-douzaine de fois.
Saisine du ministre de l’intérieur pour engager une procédure disciplinaire
La Défenseure des droits (DDD), Claire Hédon, revient, ce mardi 28 janvier, sur les évènements qui ont entraîné la mort de l’éleveur. Elle avait été saisie par la famille en 2018, et a rappelé n’avoir pour mission que d’identifier d’éventuels manquements aux « règles déontologiques professionnelles ».
Pour publier son avis, la Défenseure des droits a pu auditionner l’ensemble des gendarmes directement impliqués, mais aussi obtenir les pièces de la procédure judiciaire. Parmi elles, figure une vidéo de treize minutes enregistrée par le pistolet à impulsion électrique (PIE) du gendarme auteur des tirs, rapporte le quotidien Le Monde.
À l’issue de l’instruction menée par ses services, la Défenseure des droits considère que les tirs du gendarme n’étaient ni proportionnés ni nécessaires, et indique saisir le ministre de l’Intérieur.
Touché par deux balles au niveau du dos et une autre au niveau de la cuisse
Dans son avis, la DDD revient dans un premier temps sur les faits du 20 juin 2017. Elle relève que l’agriculteur tentait de fuir à bord de sa voiture lorsqu’un gendarme a tiré à cinq reprises dans sa direction, et que le véhicule s’est arrêté après avoir percuté un arbre.
En détail, elle explique que deux gendarmes vont à la rencontre d’un véhicule suspect. Ils « sont arrivés sur un chemin étroit et ont stoppé leur véhicule à cinq mètres » de celui de Jérôme Laronze, établit la Défenseure des droits. Celui-ci démarre et « passe entre le véhicule de la gendarmerie et l’accotement herbeux sur lequel se positionne » un gendarme. Celui-ci tire à cinq reprises en direction du véhicule.
Jérôme Laronze est alors « touché par trois balles, deux au niveau du haut du dos et une autre au niveau de la cuisse gauche ». Aux juges d’instruction, le militaire a expliqué avoir visé « le bloc-moteur » pour son premier tir, car l’agriculteur « fonçait sur lui avec son véhicule ».
Le non-respect du principe « d’absolue nécessité et de proportionnalité »
Sauf que l’autorité administrative établit que, selon le rapport balistique, le gendarme « se trouvait sur le côté du véhicule de M. (Laronze), hors de sa trajectoire, lorsqu’il a fait usage de son arme » et « a continué à tirer alors que le véhicule (…) s’éloignait ».
Elle considère que « le véhicule ne représentait dès lors pas de danger pour son intégrité physique », et le militaire n’aurait donc « pas respecté le principe d’absolue nécessité et de proportionnalité en usant de son arme de service à cinq reprises ». En revanche, concernant la deuxième gendarme, qui a tiré une unique fois, l’autorité considère que « son tir apparaît comme proportionné afin de faire cesser le risque généré ».
« Aucun geste de secours n’a été pratiqué »
L’homme, grièvement blessé, est resté sans assistance durant de longues minutes, jusqu’à l’arrivée des pompiers. « Malgré son état critique, aucun geste de premiers secours n’a été pratiqué par les gendarmes présents, qui se sont limités à surveiller la victime et à attendre les pompiers », indique l’avis.
De plus, la DDD relève qu’« aucune enquête administrative n’a été diligentée par la hiérarchie des gendarmes pour examiner d’éventuels manquements déontologiques, sous prétexte qu’une enquête judiciaire était en cours ».
En conséquence, la Défenseure des droits indique saisir le ministre de l’Intérieur « pour qu’il engage des poursuites disciplinaires, à l’égard du gendarme auteur des coups de feu pour usage disproportionné de la force et absence de secours, ainsi que de plusieurs autres gendarmes pour manquement à leur obligation d’assistance ».
En outre, la décision rappelle que Claire Hédon « ne saurait se prononcer sur la question de l’existence d’une infraction pénale, appréciation relevant de la compétence exclusive du juge judiciaire ».
Ainsi, le gendarme a été mis en examen dès septembre 2017, et un juge d’instruction conduit une information judiciaire pour violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, modification de scène de crime et non-assistance à personne en danger. Mais, rappelle Le Monde, dans ce dossier « la justice piétine ».
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