« Thérapies de conversion » : une pétition citoyenne pour les interdire dans l’UE atteint le million de signatures

Lancée il y a douze mois, tout se sera joué en cinq jours. L’initiative citoyenne européenne (ICE) créée pour mettre un terme aux pratiques de « thérapies de conversion » vient d’atteindre le seuil du million de signatures nécessaire pour être discutée au Parlement européen.

Une ICE permet à tout citoyen de l’Union européenne (UE) de lancer un appel à la signature afin qu’un sujet soit discuté dans l’hémicycle strasbourgeois. Si un million de signatures sont réunies dans un délai de 12 mois, et qu’un seuil de participation minimum est dépassé dans au moins sept pays-membres (dans ce cas-ci, la France, l’Allemagne, l’Irlande, l’Espagne, la Slovénie, la Finlande, les Pays-Bas et la Belgique) alors, quelques formalités mises à part, l’organisateur pourra présenter son initiative devant les eurodéputés, qui seront tenus de s’y intéresser.

Après ça, les issues sont diverses. Un acte législatif peut en ressortir, mais le Parlement européen peut aussi choisir de ne rien faire. Toujours est-il qu’une ICE menée à terme envoie un message fort.

Bruno Retailleau s’est opposé à leur interdiction

Vestiges d’une époque où l’homosexualité était encore largement considérée comme une maladie à traiter, les « thérapies de conversion » sont nées aux États-Unis dans les années 1950 avant de se répandre dans le monde et en Europe. Leur objectif est de modifier l’orientation sexuelle d’un individu, autrement dit « soigner » son homosexualité pour le convertir à l’hétérosexualité, vue comme une norme.

Pour ce faire, les pseudo-thérapeutes ont recours à des méthodes violentes physiquement et psychiquement : exorcisme, électrochocs, internement, injections d’hormones, bourrage de crâne… Des faits qui ont valu aux « thérapies de conversion » d’être considérées comme « des actes de torture » par l’ONU. Les seuls effets prouvés de ces pratiques sont d’impacter dramatiquement la santé mentale et physique des victimes : isolement, dépression ou encore suicide. Loin donc du « retour sur le droit chemin » vendu par les homophobes.

En France, ces pratiques sont interdites depuis 2022. La loi avait été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. En revanche, lors du vote au Sénat, les Républicains et Bruno Retailleau, désormais ministre de l’Intérieur, s’y étaient opposés. Dans l’Union européenne, six autres pays ont eux aussi prohibé ces pratiques, à savoir l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique, la Grèce, Malte et le Portugal. Sept pays seulement sur les 27 qui constituent l’UE.

Les Français, premiers signataires

L’initiative citoyenne européenne, « c’est un moyen de donner la parole aux citoyens européens, de pouvoir dire à la Commission « Nous voulons que vous fassiez quelque chose » », déclarait Mattéo Garguilo sur le site Citizens initiative. Cet étudiant lyonnais en sciences politiques est à l’origine de cette ICE. Il est le fondateur de l’association ACT, pour « Against Conversion Therapy » (contre les « thérapies de conversion », littéralement), et initie la démarche citoyenne début 2024, seulement un an après la naissance d’ACT.

Les signatures se sont longtemps fait attendre. Mais depuis le début de cette semaine, un engouement populaire soudain a favorisé l’initiative, qui a été largement partagée sur les réseaux sociaux, notamment par des personnalités publiques et politiques : des députés du Nouveau Front populaire aux chanteurs Stromae et Angèle, en passant par l’ancien premier ministre, Gabriel Attal.

Un bond de participation à quelques jours de la date limite, ce 17 mai, qui doit beaucoup à la mobilisation en France. Sur un million de signatures récoltées, l’hexagone est largement le plus gros contributeur (530 000, loin devant l’Espagne et ses 124 000 paraphes).

Depuis la création de l’initiative citoyenne européenne en 2012, 119 ICE ont été lancées. Mais elles sont régulièrement critiquées pour leurs conditions strictes d’application, qui impliquent de faire une campagne massive dans au moins sept pays de l’UE qui favoriserait les grosses machines de lobbying. Pour preuve des limites du dispositif, seules 12 d’entre elles ont obtenu une réponse ou sont à l’étude. Le succès de la démarche de Mattéo Garguilo pourrait créer un précédent.

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