Contre le déficit, «il ne faut pas s'interdire le levier fiscal», estime Pierre Moscovici
«Réduire le déficit est un impératif pour tous». Alors que la France peine toujours à faire émerger des consensus susceptibles d’aboutir à la formation d’un gouvernement, Pierre Moscovici tire la sonnette d’alarme. Invité dans la matinale de France Inter ce lundi matin, le premier président de la Cour des comptes exhorte le «prochain gouvernement» à «s'emparer du sujet des finances publiques». «Il faut réduire notre endettement. La dette française s’élève déjà à 3100 milliards d'euros. Elle sera de 3600 milliards en 2027. Nous payons déjà 52 milliards par an pour la rembourser, ce sera 80 milliards en 2027. Il ne restera plus de marge de manœuvre pour financer les services publics et la transition écologique», assure-t-il.
Ce constat alarmant rejoint celui du rapport de l’institution dont la présentation est prévue ce lundi. Les Sages de la rue Cambon y dressent un bilan préoccupant des comptes publics à l’aune du septennat macroniste. «L’année 2023 a très mauvaise pour nos finances publiques», rappelle Pierre Moscovici, en référence au dérapage du déficit public en 2023, passé à 5,5% du PIB contre 4,9% initialement anticipés. «2024 ne s'annonce pas fameuse, le déficit baisse très peu, s'il baisse peu», poursuit-il, avant de qualifier la trajectoire pour 2027 de «peu ambitieuse» et «peu crédible». Pour lui, le soutien apporté aux Français pendant la crise sanitaire puis l’inflation - le fameux «quoi qu’il en coûte» - n’explique pas totalement cette dégradation des comptes publics. «Tous les pays européens ont protégé leurs concitoyens pendant les crises et n'ont pas ce niveau de déficit, je ne suis pas convaincu par cet argument».
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La fiscalité pour financer la transition
Si l’ancien ministre de l’Économie n’est pas tendre avec le bilan du Bruno Le Maire, il est surtout préoccupé par l’action du gouvernement à venir. «C'est le prochain gouvernement qui devra traiter cette question, il devra élaborer sa propre trajectoire de dépense publique, celle présentée par l'ancien gouvernement est caduque».
Pierre Moscovici a sa petite idée de la marche à suivre. «Il y a trois façons d’agir sur les comptes publics : la croissance, la fiscalité, et les dépenses. Pour ce qui est du levier fiscal, on ne peut pas augmenter massivement les prélèvements obligatoires mais on peut agir sur tel ou tel levier», a-t-il suggéré. Et le magistrat d’évoquer la principale proposition du rapport Pisani-Mahfouz, celle d’un «impôt exceptionnel et temporaire» sur le patrimoine financier des 10 % de Français les plus aisés, à hauteur de 5 milliards d'euros par an. «Je ne suis pas un maniaque de la fiscalité, mais il ne faut pas s'interdire le levier fiscal», a-t-il nuancé. Pour financer la transition écologique, le Premier président de la Cour des comptes est ainsi favorable à la réintroduction d’une «taxe carbone», compensée par des «subventions pour les plus modestes». Reste à savoir si le prochain locataire de Matignon acceptera de suivre les préconisations du sage de la rue Cambon...