TEMOIGNAGES. "Ils veulent qu'il n'y ait plus de vie à Gaza" : dans l'enclave palestinienne, Israël a contraint un tiers des cuisines de rue à fermer
C'est sans doute l'image qui exprime le mieux l'état de dénuement dans lequel les Gazouis sont tombés. Devant d'immenses marmites, des enfants s'écrasent les uns contre les autres, une gamelle a la main, pour tenter d'arracher un repas chaud dans une cuisine de rue. À Gaza, l'une des plus importantes sources d'approvisionnement en nourriture est en train de se tarir à cause du blocus israélien.
Les takiyas, ces cuisines communautaires de rue, permettent aux Gazaouis de se nourrir gratuitement. Ils étaient un million à pouvoir en profiter, fin avril. Ils ne sont plus que 300 000 fin mai : un tiers de ces établissements a dû fermer en seulement quelques semaines.
"Les enfants passent toute la journée devant la cantine"
C'est devenu le quotidien de Lubna. Cette mère de famille de Gaza envoie ces deux fils de 10 et 12 ans pour un repas par jour : "Tous les jours, les enfants passent toute la journée devant la cantine pour ramener des haricots, des lentilles ou du riz. Les enfants attendent dans la queue. Je les envoie là-bas, mais j'ai peur à cause des bagarres sur place et des bombardements. Beaucoup de cuisines ont été bombardées à Gaza."
Mais ces cuisines n'ont pas résisté au blocus israélien. Omar a dû fermer la sienne il y a un mois et demi. Il servait entre 400 et 500 personnes par jour. Il était soutenu financièrement par une association française. Il témoigne aujourd'hui sous un faux nom. Gérer une cuisine de rue, dit-il, c'est une grosse prise de risque : "J'ai peur pour ma sécurité. Les Israéliens surveillent tout. Ils cherchent tous les gens qui travaillent pour les cuisines parce qu'ils veulent qu'il n'y ait plus de vie à Gaza." À Gaza, il ne reste plus que 70 cuisines de rue. Elles ne nourrissent plus correctement les habitants : il n'y a pas de viande, peu de protéines.
Et ce n'est qu'un début : moins de 5 % des terres agricoles de Gaza sont désormais cultivables et/ou accessibles, exacerbant encore le risque de famine dans le territoire palestinien dévasté, selon un nouveau bilan satellitaire publié lundi 26 mai par l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO). A fin avril, plus de 80 % des terres agricoles étaient endommagées et 77,8 % n'étaient plus accessibles, laissant à peine 4,6 % de surfaces potentiellement cultivables (soit tout juste 688 hectares), indique cette analyse géospatiale conduite avec l'Unosat, le centre satellitaire des Nations unies.