TEMOIGNAGE. "Mon message, c'est qu'il faut agir" : rencontre avec Mohammed Hilles, un jeune violoniste gazaoui installé dans la région parisienne

Une cinquantaine de civils palestiniens ont trouvé la mort jeudi 22 mai dans des raids israéliens à Gaza. Des évènements que suit depuis la région parisienne un jeune violoniste gazaoui de 25 ans, Mohammed Hilles. Il est arrivé en France le mois dernier. 

C’est à Orsay, où il étudie désormais au Centre de formation des musiciens intervenants (CFMI), que Mohammed est installé. Depuis son arrivée le 18 avril, la situation à Gaza s’est aggravée. C’est ce que lui disent ses parents et son frère aîné, restés sur place, quand il parvient à communiquer avec eux. "Ils me disent que la situation est pire que jamais. En ce moment, il n'y a pas de sucre, pas de nourriture, pas de farine pour faire le pain, décrit-il. Ils n'ont aucune sorte de nourriture. Ils essaient de se débrouiller pour faire un repas par jour, et on ne peut même pas considérer ça comme un vrai repas. Ce n'est même pas la nourriture de base pour se remplir l'estomac. C'est vraiment très dur. C'est un cauchemar pour eux, il y a eu une frappe juste en face de leur tente, c'était tellement proche d'eux, mais ils ont survécu."

"Laisser ma famille dans ces conditions, sachant que je pourrais apprendre chaque jour leur mort en regardant les informations, c'est ce qui est très dur."

Mohammed Hilles, violoniste originaire de Gaza

à franceinfo

Mohammed a pu quitter Gaza grâce à une bourse d’étude mais il a dû se résoudre à partir sans ses proches. "C'est très dur, c'est pourquoi, jusqu'à maintenant, je ne dors pas bien et je n'ai pas d'appétit, parce que je sais que ma famille n'a rien à manger, comme deux millions de personnes à Gaza. C'est pour ça que je fais le maximum pour faire sortir ma famille de Gaza. J'espère vraiment y arriver, je ne peux pas aller de l'avant ou me concentrer sur quoi que ce soit, parce que je pense à eux tout le temps."

"On a réussi à faire venir un violon"

Avant la guerre, Mohammed jouait du violon et de l’alto. On peut l'entendre avec l’orchestre du conservatoire Edward Saïd de Gaza, où il a étudié. Mais avec la guerre, il a fallu apprendre à vivre sans musique, ou presque. "J'ai perdu mon violon dans ma maison qui a été détruite la première semaine de la guerre, raconte-t-il. Il m'a énormément manqué. Malheureusement, je n'ai pas pu jouer de musique jusqu'en septembre 2024, jusqu'à ce qu'on organise un camp musical pour les enfants. On a réussi à faire venir un violon, ce n'était pas vraiment un bon violon, c'étaient de très mauvaises conditions parce qu’il lui manquait deux cordes. On a donc dû mettre des cordes de guitare, puis les deux autres cordes ont cassé. On a donc dû mettre des câbles de frein de vélo à la place, et ça a marché. C'était mieux que rien. Ces enfants voulaient vraiment trouver un moyen pour faire de la musique."

"Cette heure de musique, c'était une façon de s'évader pour eux, de trouver quelque chose de beau dans cette vie. Je pouvais voir l'effet positif sur eux, combien ça leur plaisait. Ils riaient ensemble, leur comportement changeait."

Mohammed Hilles, violoniste originaire de Gaza

à franceinfo

Mohammed rêve de paix pour ses proches et plus largement pour tous ceux qui vivent à Gaza. "J'aimerais que les gouvernements et que tout un chacun dans le monde ne voient pas les Palestiniens comme des survivants, mais comme des êtres humains, qui jouent de la musique, qui ont leur propre histoire, poursuit-il. J'espère que ça va s'arrêter d'une façon ou d'une autre parce qu'on en parle depuis longtemps, mais rien n'a changé à Gaza. Personne ne peut dormir la nuit et se sentir en sécurité depuis un an et demi. Mon message, c'est qu'il faut agir."

Mohammed espère un jour revenir à Gaza pour travailler auprès des enfants qui auront tellement besoin de musique quand cette guerre prendra fin.