Alors en visite en Israël, Donald Trump a annoncé mardi 4 février que les Etats-Unis allaient "prendre le contrôle de la bande de Gaza", et qu'il souhaitait faire de l'enclave "la Côte d'Azur du Moyen-Orient". Le président américain a également proposé de faire "tout simplement le ménage" dans la bande de Gaza et de transférer ses habitants en Egypte ou en Jordanie. Les réactions d'indignation ont fusé à l'international, mais pour les responsables israéliens, la proposition du locataire de la Maison Blanche paraît crédible.
Créer une "Côte d’Azur du Moyen-Orient", une idée pas si nouvelle ?
L'an dernier, les médias israéliens révélaient le projet "Gaza 2035". Un plan de transformation de Gaza sur lequel travaille le gouvernement israélien avec les Etats-Unis et les pays du Golfe. Leur objectif est de reprendre le contrôle de la bande de Gaza pour transformer le territoire en une zone de libre-échange ultramoderne. Cela permettrait de relier Israël aux pays du Golfe, via des routes commerciales et d'attirer les entreprises de la tech du monde entier.
Ils souhaitent aussi faire de Gaza un grand centre de production industriel de véhicules électriques. Des plans ont déjà été imaginés : on y voit des immeubles géants qui rappellent ceux de Dubaï. Un projet qui impliquerait, donc, de déplacer les deux millions de Gazaouis qui vivent sur place.
Que dit le droit international ?
Ce plan a immédiatement suscité une levée de boucliers sur la scène diplomatique. L'ONU l'a rappelé mercredi 5 février : le droit international prohibe tout transfert forcé ou expulsion de population d'un territoire occupé. La rapporteure spéciale de l'ONU en charge des territoires palestiniens, Francesca Albanese, a estimé que la proposition du président américain était "illégale" et "complètement absurde".
Les États-Unis ne pourraient prendre le contrôle de Gaza qu'avec le consentement d'Israël, qui "ne peut pas céder Gaza aux États-Unis", note Tamer Morris, spécialiste de droit international à l'Université de Sydney, en Australie. Même l'Autorité palestinienne "ne peut pas donner ce consentement au nom d'un peuple" qui a "le droit de disposer" de lui-même, ajoute-t-il sur le site The Conversation. "La manière désinvolte dont Trump discute de choses telles que la prise de contrôle d'un territoire, et le déplacement d'une population, donne l'impression que ces règles peuvent facilement être enfreintes."
Comment ce plan est-il accueilli en Israël ?
Sur la scène politique israélienne, le plan de Donald Trump pour Gaza a été plutôt accueilli favorablement. Le patron de l'opposition, le centriste Benny Gantz, parle d'un plan "intéressant, créatif et original". De l'autre côté du spectre, le ministre des Finances d'extrême droite, Bezalel Smotrich, fermement opposé à la trêve à Gaza, applaudit des deux mains et remercie Donald Trump. Le président américain est même décrit comme "un messager de Dieu" pour Aryé Dery, le dirigeant du parti ultraorthodoxe Shas, qui appartient à la coalition au pouvoir.
Donald Trump a promis que des Palestiniens et des Israéliens pourront vivre à Gaza une fois l'enclave reconstruite. C'est en théorie, pour le moment, le rêve de l'extrême droite suprémaciste au pouvoir. Mais l'Autorité palestinienne n'a, depuis mardi 4 février, plus aucun espoir d'exercer à nouveau un jour sa souveraineté sur Gaza.
Quelles sont les craintes des Palestiniens ?
Côté palestinien, les habitants de Gaza craignent de revivre le cauchemar de l'exode de 1948. Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, lui-même expulsé de ces terres au nord du territoire qui deviendra Israël, parle de "graves violations du droit international". Car pour beaucoup de Palestiniens, la situation s'apparente à une nouvelle Nakba, qui signifie "la catastrophe" en arabe. Pour créer l'Etat hébreu en 1948, 750 000 habitants avaient dû quitter leur terre natale.
Pour Rami Abou Jamous, le plan de Donald Trump est même "plus grave" que la Nakba. Le journaliste palestinien a dénoncé mercredi sur franceinfo "le comportement féodal d'un businessman qui considère qu'il est en train d'acheter une tour à New York". Il redoute par ailleurs la disparition totale de la Palestine : "[Donald Trump] a également parlé de la Cisjordanie et il est prêt à donner le pouvoir aux Israéliens sur la Cisjordanie", s'inquiète le journaliste.
Depuis la guerre à Gaza, il y a près de deux millions de déplacés dans l'enclave, presque toute la population. Près de 500 000 habitants sont rentrés depuis le début de la trêve dans le nord de Gaza, dévastée par les bombes de l'armée israélienne. 70 à 80% de ces Palestiniens sont des descendants de réfugiés de 1948 : ils bénéficient à ce titre du statut spécifique de réfugiés au regard du droit international.