Donald Trump dans les pays du Golfe pour une visite entre business et diplomatie
C’est un cadeau qui en dit long sur l’importance prise ces dernières années par les relations entre les pays du Golfe et les États-Unis. ABC news a révélé dimanche 11 mai que le Qatar envisageait d’offrir un Boeing 747-8 d’une valeur de 400 millions de dollars à l’administration Trump en remplacement des deux "Air Force One", devenus obsolètes.
L’annonce a suscité la colère des démocrates qui reprochent au président de vouloir s’enrichir personnellement. Car une fois son mandat terminé, la propriété de l’appareil serait transférée de l’Armée de l’air américaine à la fondation du président américain. "Le fait que le département de la Défense reçoive en cadeau un avion 747 pour remplacer temporairement Air Force One (…) dérange tellement les démocrates véreux qu'ils insistent pour que nous payions l'avion au prix fort", a contre-attaqué Donald Trump sur son réseau social Truth.
La polémique est d'autant plus forte que ce "palace volant" devrait officiellement être offert au président américain lors d'une visite au Qatar, dans le cadre de sa tournée au Moyen-Orient. Donald Trump s'est envolé lundi soir pour Riyad, où il doit rencontrer son allié, le prince Mohammed ben Salmane (MBS). Il se rendra ensuite à Doha et aux Émirats arabes unis, avant de rentrer aux États-Unis le 15 mai.
Appuyer les investissements américains… et les projets de Trump
Lors de son premier mandat, le président américain avait déjà choisi le golfe arabo-persique pour son premier déplacement à l’étranger, se prêtant même à une danse du sabre à Riyad. Cette fois-ci, l’objectif officiel du voyage est d’encourager les échanges économiques entre les monarchies du Golfe et les États-Unis. Un forum d'investissement saoudo-américain réunira dès mardi les PDG de BlackRock, Palantir ou encore IBM à Riyad. Donald Trump va aussi rencontrer les dirigeants des six pays du Conseil de coopération du Golfe – Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Bahreïn, Qatar, Koweït et Oman.
"Trump est en visite parce que le Golfe est devenu un épicentre de la géopolitique et de la géoéconomie. Ses États sont devenus des acteurs mondiaux et des partenaires politiques et économiques à part entière pour toute administration américaine", explique Anna Jacobs, experte à l’Arab Gulf States Institute de Washington.
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Le plan "vision 2030" de l’Arabie saoudite en est un symbole. Consciente que la manne du pétrole n’est pas éternelle, la monarchie du Golfe multiplie les appels du pied aux investisseurs étrangers pour diversifier son économie. En 2023, le Fonds souverain saoudien a ainsi été le plus actifs des fonds au monde avec 31,5 milliards de dollars investis, selon le rapport annuel Global SWF.
La Trump Organization elle-même a fait des monarchies du Golfe sa nouvelle cible pour développer ses activités. Le mois dernier, elle a signé un contrat pour la construction d'un golf et des résidences de luxe au Qatar, et dévoilé les détails d'un gratte-ciel d'un milliard de dollars à Dubaï, dont les appartements pourront être achetés en cryptomonnaies.
"Trump déploie une sorte de grand effort diplomatique qui va de l’Ukraine à l’Indo-Pakistan, en passant par le Moyen-Orient, et comme toujours avec lui, qui n’est pas dénué d’ambitions financières", analyse Joseph Bahout, directeur de l’Institut de politique publique et d’affaires internationales à l’Université américaine de Beyrouth.
L’impossible dossier palestinien
Mais cette visite de trois jours au Moyen-Orient poursuit également plusieurs objectifs diplomatiques. Il y a d’abord le dossier sur le nucléaire iranien. Depuis le 12 avril, les États-Unis et l’Iran ont tenu quatre cycles de pourparlers sur le sujet, sous l’égide du sultanat d’Oman. Le dernier en date, qui s’est tenu dimanche, a laissé entrevoir des progrès selon le chef de la diplomatie iranienne : "Ces négociations ont été beaucoup plus sérieuses et explicites que les trois cycles précédents", a déclaré Seyyed Abbas Araghchi à la télévision d’État iranienne.
"Les négociations semblent se porter assez bien, mais il s’agit de mettre au courant les pays du Golfe et de les préparer à l’éventualité d’un deal", explique le chercheur Joseph Bahout.
Il y a ensuite le dossier palestinien, qui fait l’objet d’intenses spéculations. Ces dernières années, l’Arabie saoudite et Israël s’étaient engagés sur une normalisation de leurs relations, mais l’attaque du 7-Octobre et la réponse israélienne ont balayé le processus diplomatique.
"La résistance du gouvernement israélien à envisager sérieusement de mettre fin à la guerre et de discuter d'un processus politique pour une solution à deux États rend la normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël presque impossible", confirme Anna Jacobs, experte à l’Arab Gulf States Institute in Washington (AGSIW). "L'administration Trump semble en être consciente, et c'est probablement la raison pour laquelle elle cherche à conclure un accord sur le nucléaire civil avec Riyad sans le conditionner à une normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël." Depuis une dizaine d'années, la monarchie cherche à utiliser ses propres ressources en uranium pour développer un programme de nucléaire civil, mais demande un appui américain.
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Signe que Donald Trump marche sur des œufs sur cette question, une source diplomatique a déclaré au Jérusalem Post que Donald Trump pourrait profiter de sa tournée dans le Golfe pour annoncer la reconnaissance d’un État palestinien. L’émissaire américain en Israël, Mike Huckabee, a immédiatement qualifié sur X l’information de "pure absurdité".
Enfin, Donald Trump pourrait rencontrer le nouveau président syrien, Ahmed al-Charaa en Arabie saoudite, même si rien n’a encore été confirmé. Le successeur de Bachar al-Assad cherche à obtenir un allègement des sanctions économiques américaines qui pèsent sur l’économie du pays. Le leader syrien aurait même soumis à des proches l’idée d’une Trump Tower à Damas.