Tout comprendre sur l’Unrwa, l’agence d’aide humanitaire à Gaza au cœur d’une polémique
L’aide humanitaire à Gaza est-elle en péril ? C’est ce que craint Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies. Il a demandé aux pays qui ont suspension leur aide financière à l’Unrwa, d’«au moins garantir» la poursuite des opérations, ce dimanche 28 janvier. Les États-Unis, l’Italie, le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni, la Finlande et l’Allemagne ont en effet suspendu toute aide additionnelle à l’agence humanitaire.
Cette décision intervient après qu’un scandale ait éclaté au sein de l’Unrwa, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens. Elle a licencié plusieurs employés accusés d'être impliqués dansl'attaque perpétrée le 7 octobre par le mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël, sur la base d'informations des autorités israéliennes. Le Figaro fait le point sur cette polémique.
Qu’est ce que l’Unrwa ?
L’Unrwa (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) est une agence de l’ONU destinée à venir en aide aux réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza. Mais également en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban et en Syrie. Elle a été créée en décembre 1949 par l’Assemblée générale de l’ONU après le premier conflit arabo-israélien qui avait éclaté au lendemain de la création d'Israël, en mai 1948.
Ses actions sont multiples : elle doit fournir une assistance humanitaire et une protection aux réfugiés palestiniens, «dans l'attente d'une solution juste et durable à leur situation». Selon l’agence, le statut de réfugié est accordé aux descendants des 700.000 Palestiniens expulsés, ou qui ont fui entre avril et août 1948 au moment de la création d’Israël. L’Unrwa est devenue depuis, et par défaut, le seul garant de leur statut international.
À ce jour, 5,9 millions de réfugiés palestiniens peuvent bénéficier de ses services, détaille l’agence sur son site. Et sur les 30.000 personnes employées, 13.000 officient dans la bande de Gaza, réparties dans plus de 300 installations sur un territoire, selon la même source. Deux millions de civils à Gaza «dépendent de l’aide critique de l’Unrwa pour leur survie au quotidien», a souligné Antonio Guterres.
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Pourquoi est-elle au cœur d’une polémique ?
Des membres de l’agence sont soupçonnés d’avoir participé à l’organisation du massacre du 7 octobre en Israël. L’Unrwa s'est en effet séparée de douze employés accusés d'être impliqués dans l'attaque du Hamas. Des accusations «extrêmement graves», a souligné Antonio Guterres dans un communiqué. L'Unrwa s'est séparée de neuf d'entre eux, un est «confirmé mort», et les identités de deux autres sont «en train d'être clarifiées», a-t-il précisé.
L'affaire a été révélée vendredi, juste après que la plus haute juridiction de l'ONU a appelé Israël à empêcher tout acte éventuel de «génocide» à Gaza. Cette temporalité «interroge», note par ailleurs Johann Soufi, avocat international et ex-directeur du bureau juridique de l'Unrwa à Gaza, auprès de l’AFP.
Ces accusations ont rapidement été reprises politiquement par Israël. L’État hébreu veut en effet s’assurer que l’Unrwa «ne fasse pas partie» de la solution d’après-guerre dans le territoire palestinien, a indiqué le ministre israélien des Affaires étrangères, appelant à favoriser des agences «sincèrement dédiées à la paix et au développement». En contribuant à l’affaiblissement, voie à la disparition de l’Unrwa, Israël a un objectif bien précis : rééduquer les Palestiniens. Le leader de l'opposition israélienne Yair Lapid a jugé sur X le moment venu de «créer une alternative qui n'éduquera pas des générations de Palestiniens à la haine».
Le Hamas a pour sa part demandé «aux Nations unies et organisations internationales de ne pas céder aux menaces et au chantage», accusant Israël de vouloir priver les Gazaouis de toute aide internationale.
Vendredi, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell est resté prudent, préférant attendre «la pleine transparence» et des «mesures immédiates» avant de prendre une décision.
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Quels pays ont suspendu leurs aides ?
Après la révélation du licenciement des employés de l’Unrwa, plusieurs pays ont pris la décision de suspendre leurs aides financières. L’Italie, le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni, la Finlande et l’Allemagne ont emboîté le pas aux États-Unis, qui avaient annoncé vendredi suspendre temporairement toute aide additionnelle à l'agence, désormais priée de mener une enquête interne approfondie.
Son chef Philippe Lazzarini a jugé «choquant de voir la suspension des fonds en réaction à des allégations contre un petit groupe d'employés», compte tenu des mesures déjà prises et du rôle de l'agence dont «dépendent 2 millions de personnes pour leur simple survie». «Philippe Lazzarini, démissionnez s'il vous plaît», a répondu le chef de la diplomatie israélienne, Israël Katz, sur le réseau social X samedi soir.
Le ministre des Affaires civiles de l'Autorité palestinienne, Hussein al-Cheikh, a quant à lui appelé les pays retirant leur soutien à l'Unrwa à «revenir immédiatement sur leur décision». L'agence, a-t-il martelé, a «besoin d'un soutien maximal (...) et non qu'on lui coupe soutien et assistance».
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Antonio Guterres s’est également monté inquiet pour le sort des Palestiniens. «Bien que je comprenne leurs inquiétudes - j'ai été moi-même horrifié par ces accusations - j'exhorte vivement les gouvernements qui ont suspendu leurs contributions à au moins garantir la continuité des opérations de l'Unrwa», a plaidé Antonio Guterres dans un communiqué. «Le financement actuel de l'Unrwa ne lui permettra pas de répondre à tous les besoins en février», a-t-il insisté. Pour rappel, l’Unrwa est financée à hauteur de plusieurs millions de dollars provenant en majorité de pays donateurs. Les États-Unis se trouvaient en tête de cette liste en 2018. Et une petite partie des fonds vient directement des Nations unies.