« Rien ne peut empêcher un peuple de gagner sa liberté » : à la fête de l’Humanité, un demi-million de bâtisseurs de paix

Deux mains sur le cœur dissimulé sous un keffieh, puis soudain, Hala Abou Hassira lève son poing en direction du peuple de la Fête de l’Humanité. « Et vive la lutte du peuple palestinien ! » scande celui-ci en chœur devant l’ambassadrice de Palestine en France. « La situation ne peut pas continuer comme ça, sinon c’est l’enfer pour nous tous, pour les Israéliens, pour les Palestiniens, pour la Terre entière, prévient la diplomate, émue. Nous, on ne lâchera pas. Ne lâchez pas ! »

Une émotion encore plus vive la traverse sur la Scène Angela Davis au côté du sénateur PCF et directeur du journal Fabien Gay, devant des dizaines de milliers de militants. Pour sa 90e édition, la Fête était en communion. La solidarité internationale s’est exprimée partout, avec ce keffieh symbole, porté par des milliers de militants de la paix.

« Rien ne peut empêcher un peuple de gagner sa liberté »

Sira Rego aussi, ministre communiste espagnole de la Jeunesse et de l’Enfance, en arbore un, sur la scène de l’Agora, aux côtés de Hala Abou Hassira, de l’eurodéputé belge du Parti du Travail de Belgique Marc Botenga et de Ian Brossat, sénateur PCF. L’élue hispano-palestinienne rappelle que « l’Espagne a historiquement toujours été proche de la cause palestinienne ».

Alors que la France s’apprête à reconnaître l’État de Palestine, Fabien Gay, pour sa part, a réaffirmé l’urgence de passer enfin des paroles aux actes. « Nous prévenons le président de la République : nous n’accepterons pas de nouveau recul ou de nouveau report pour une quelconque raison. La France doit être au rendez-vous de l’histoire », a-t-il insisté, lors de l’inauguration du Village du monde.

Encore un keffieh, cette fois-ci sur les épaules de Fabien Roussel, offert par un responsable de l’Organisation de libération de la Palestine. Le secrétaire national du PCF, qui a annoncé une grande manifestation à l’occasion de la Journée internationale de la paix le 21 septembre, rappelle que « rien ne peut empêcher un peuple de gagner sa liberté ». Et avec lui, tous ceux qui se battent inlassablement pour arrêter le bras armé de Benyamin Netanyahou et de ses alliés suprémacistes. À commencer par la Flottille pour lever le blocus sur Gaza, à bord de laquelle Émilien Urbach, journaliste à l’Humanité, intervient en direct devant une foule exaltée.

Des guerres au Moyen-Orient au génocide à Gaza, de la demande de libération de Marwan Barghouti, aux hommages rendus aux plus de 200 journalistes assassinés dans la bande de Gaza, la cause palestinienne a envahi plus que jamais les allées de la Fête. « Je le dis à Ben Gvir et à ce gouvernement fasciste : celui qui n’a pas été brisé par cinquante ans de lutte, vingt ans d’emprisonnement et sept ans de déportation ne sera jamais brisé ! » s’exclame Arab Barghouti, fils du prisonnier politique palestinien. Parmi la myriade d’ovations qui ont essaimé ce week-end, celle pour Rami Abou Jammous au Village des médias indépendants restera dans les mémoires.

Des larmes sous le keffieh

Alors que la discussion consacrée à la couverture médiatique de la guerre coloniale livrée par Israël contre le peuple palestinien fait salle comble ; une liaison est établie avec notre confrère, depuis Gaza-ville sous le feu d’une nouvelle offensive israélienne. Le journaliste palestinien, récompensé par le prix Bayeux des correspondants de guerre pour son carnet de bord (publié par Libertalia-Orient XXI), décrit l’entreprise de nettoyage ethnique à l’œuvre. À Rami et son précieux travail, le peuple de la Fête infiniment reconnaissant.

Dans la foule du Village du monde, Noura laisse elle aussi perler quelques larmes sous son keffieh, d’où s’échappent des mèches brunes. Les slogans vibrent de partout dans l’air. Une centaine de jeunes, drapeaux noirs, blancs et verts à la main, défilent depuis l’allée Nelson Mandela jusqu’à la place de l’État de Palestine. Tout un symbole. Des familles s’arrêtent, observent, puis s’immiscent à leur tour dans le cortège. Trois amies, membres du Parti communiste libanais, déploient un immense drapeau palestinien, très vite rejoint par Cécile, puis par un camarade algérien. Cette membre de la Fédération syndicale étudiante confie sa « fierté de le voir flotter au milieu de la Fête ». Pas un seul concert n’a raté l’occasion d’être ponctué d’un « Palestine vivra, Palestine vaincra ! »

« La paix ne signifie pas simplement la “non-guerre”, mais savoir pratiquer l’art de la coexistence, soutient Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences-Po Paris. Il faut renouer avec cette vision positive de la paix, l’apprendre, la cultiver. » À l’heure où les va-t-en-guerre, engagés dans une course folle à la surmilitarisation, attaquent les fondements du multilatéralisme, les invités de la Fête ont lancé d’une seule voix un appel à réinventer la sécurité commune.

Au niveau global, mais aussi européen, car comme le souligne le président du Parti de la gauche européenne et communiste autrichien Walter Baier, la fuite en avant promue par la Commission européenne « constitue un immense danger pour l’Europe ». Mettre fin à la guerre en Ukraine, redonner aux Nations unies leur légitimité comme le réclament les pays du Sud, présents en masse dans leurs stands respectifs au Village du monde.

« La scène internationale est devenue un far west »

Le constat posé par Fabien Gay quelques heures plus tôt témoigne de l’urgence à faire triompher l’internationalisme sur la menace fasciste, car « la scène internationale est devenue un far west, un monde sans foi ni loi ». Le public, passant de la salsa cubaine aux tangos argentins, se régalant d’un mezze libanais, d’un couscous marocain ou d’un poulet yassa sénégalais, fait à sa manière vivre cet idéal de fraternité. Tout comme la présence de Rafael Correa, ancien président de l’Équateur ou de Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU sur les territoires palestiniens occupés.

« Les États doivent prendre des contre-mesures : en finir avec la vente d’armes, avec le commerce et le soutien politique à un État rendu responsable d’un crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide. Il faut agir de la façon la plus pacifique et la moins violente. Malgré le chagrin et la rage que nous ressentons, nous ne pouvons donner à l’État d’Israël l’argument de violence », a-t-elle soutenu à l’Agora.

Le dernier mot revient à Ofer Cassif, député israélien communiste et juif, qui, s’agissant du génocide à Gaza, exhorte la communauté internationale à « choisir son camp. Soit le monde meurt, soit on trouve une alternative ». L’élu de la Knesset s’en remet aux mots de Che Guevara : soyons réalistes, demandons l’impossible.

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