Bertrand Badie : « La paix au sens moderne du terme, c’est l’art de la coexistence »
Dans le désordre mondial actuel, la question de la paix n’a jamais été aussi importante. Les conflits en Ukraine, au Proche-Orient, au Yémen, en République démocratique du Congo, au Liban ou en Birmanie dévoilent une diplomatie en panne. Le recours à la force et à la violence n’a jamais été aussi systématique. Bertrand Badie constate que depuis 1945 les nombreuses guerres n’ont abouti ni à aucune paix durable ni à un nouvel ordre international.
Un changement est donc nécessaire dans les relations internationales pour dépasser la logique d’affrontement, de compétition entre puissances. La paix doit reposer sur un projet de coexistence, de sécurité sociale et répondre aux grands défis planétaires : climatiques, sanitaires et alimentaires. Le professeur émérite à Sciences-Po Paris les définit dans son ouvrage, intitulé « l’Art de la paix ».
Bande de Gaza, Ukraine… Les guerres et le recours à la force ne cessent de s’aggraver. Au XXIe siècle, la paix demeure-t-elle une notion diplomatique défendue par les États ?
Bertrand Badie
Professeur émérite à Sciences-Po Paris
Ces deux guerres apparemment très différentes se rejoignent sur un gigantesque hiatus diplomatique qui explique leur durée. La paix ne signifie pas simplement la « non-guerre », mais savoir pratiquer l’art de la coexistence. Et derrière la coexistence, il y a l’impératif de reconnaissance. Or ces deux conflits dérivent du déni absolu de l’une et l’autre de ces vertus.
Dans le conflit israélo-palestinien, il n’y aura jamais de paix sans reconnaissance paritaire, sans que l’État d’Israël n’admette pleinement le droit du peuple palestinien à construire un État : depuis plus de trois quarts de siècle, ce conflit dérive d’un « politicide », ce refus méprisant, opposé au peuple palestinien, de le laisser s’ériger en communauté politique. En cela,...