Retailleau à l’Intérieur, Darmanin à la Justice… Un gouvernement qui n’a de nouveau que le nom

La France a un nouveau gouvernement, mais pas vraiment de nouveaux ministres. Ce dimanche 5 octobre, Sébastien Lecornu, septième premier ministre sous la présidence d’Emmanuel Macron, a enfin annoncé la composition de son équipe. Cela près d’un mois après sa nomination à Matignon, le 9 septembre.

Résultat : rien ne change ou presque. Bruno Retailleau reste ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin demeure Garde des Sceaux, pas de changement non plus pour Catherine Vautrin à la Santé ou Manuel Valls aux Outre-mer. Rachida Dati reste à la Culture, Annie Genevard, à l’Agriculture et Élisabeth Borne à l’Education nationale.

Le seul changement majeur est à observer à Bercy, à la tête du ministère de l’Économie, où Éric Lombard s’efface au profit de Roland Lescure, député Renaissance. Avec lui, Amélie de Montchalin reste au Budget.

Bruno Le Maire, lui, est nommé ministre des Armées. Éric Woerth, à peine relaxé dans le procès de l’affaire du financement libyen, devient ministre de l’aménagement du territoire, de la décentralisation et du logement.

Du côté des sortants, François Rebsamen et Juliette Méadel, autrefois membre du Parti socialiste (PS), se distinguent. Encore une preuve du repli de la Macronie sur sa droite et de son refus de changer de politique, plus d’un an après l’arrivée en tête de la gauche aux élections législatives provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024.

La pression du socle commun pour la continuité

Et pour cause, tout au long de la journée, les membres du « socle commun » ont tenté de faire pression sur le premier ministre pour obtenir la garantie d’une certaine continuité de l’action gouvernementale. Non sans une certaine réussite comme le laisse paraître la composition du nouveau gouvernement. En début d’après-midi, dimanche, les parlementaires « Les Républicains » (LR) se sont réunis pour prendre une décision quant à leur participation au gouvernement. Une façon de faire craindre à l’exécutif la possibilité de quitter le navire pour mieux remporter certains arbitrages.

Lesquels ? « Ne pas remettre en cause les équilibres financiers issus de la réforme des retraites » ou n’accepter « ni taxe Zucman ni recyclage de l’ISF, ni mesures fiscales nuisant à la compétitivité de la France ». Mais aussi ériger en priorité la rédaction des « dépenses publiques par de véritables économies structurelles » avec notamment la « suppression des agences et opérateurs inutiles » ou la « définition d’un calendrier sérieux de mise en œuvre de la baisse des dépenses de fonctionnement ». Résultat : le parti s’est divisé. Entre d’un côté Bruno Retailleau, favorable à une « participation exigeante », avec derrière lui une majorité 33 participants LR sur 40. Et de l’autre, Laurent Wauquiez, hostile à une nouvelle dissolution de la droite dans le macronisme.

Dans le même temps, le MoDem de François Bayrou tentait la même partition, cette fois par la voix du chef de ses députés, l’ancien ministre Marc Fesneau. Invité de France Inter, celui-ci a souligné sa volonté de « ne pas participer au chaos », tout en exigeant une « feuille de route » pour davantage de « discipline collective » et être « au clair sur ce que l’on veut faire sur la fiscalité, le pouvoir d’achat, la réduction des dépenses ».

La veille, il adressait une lettre offensive au premier ministre pour décider des « modalités du soutien que notre groupe pourra apporter » ou pas. « Pour s’engager sincèrement, il faut savoir ce sur quoi, sincèrement, on nous demande de nous engager », pouvait-on lire dans cette missive.

En réponse, Sébastien Lecornu a livré, dans la journée de dimanche, une « feuille de route » rassurant son socle. Elle promet de poursuivre sa politique austéritaire et de lutter contre l’immigration illégale et la fraude sociale tout en se disant prêt aux « compromis avec les autres formations politiques ». Sans toutefois préciser lesquelles.

La gauche prête à la censure, le RN menace

À ce refus de réorientation politique qui se laissait donc pressentir avant même l’annonce officielle des titulaires de porte-feuilles, la gauche a répondu d’une même voix : « censure ! ». « Tout cela est triste, observe Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes. Les macronistes nous font tourner en rond depuis plus d’un an pour une raison simple : ils ne veulent pas rendre le pouvoir ». « Le gouvernement ne peut continuer de se comporter exactement comme si rien ne s’était passé ces dernières années, a déploré Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste auprès du Parisien. Ils ont perdu des élections locales, les élections européennes, les élections législatives. Ensuite, ils ont cramé trois Premiers ministres. Et maintenant, il faudrait que nous applaudissions un gouvernement qui incarne en tout point la continuité ? ».

Dès demain, deux motions de censure devraient être déposées par la gauche. La première des mains des députés PS. Et la deuxième de celles des insoumis. Deux motions que devrait voter l’ensemble de la gauche, dont les communistes, déçus de ce refus d’ouverture vers la gauche et des nombreuses lignes rouges énoncées par Sébastien Lecornu, en particulier le refus de revenir sur la réforme des retraites de 2023. À moins que celui-ci n’accepte de laisser les mains libres au Parlement pour trouver des majorités sur certains sujets.

L’extrême droite, de son côté, reste floue quant à la position qu’il tiendra face à ces motions. Censure ou pas censure ? Chez ses camarades du Journal du Dimanche, propriété de Vincent Bolloré, Sébastien Chenu, tout frais vice-président RN de l’Assemblée nationale par la grâce d’un accord conclu avec la Macronie, menace : « Si la rupture n’est pas nette, la réponse est oui. Nous ne marchandisons pas nos convictions. Le RN n’est pas achetable. (…) Les Français en ont assez de ces « nouveaux départs » qui ne débouchent sur rien. Ils veulent du changement, pas du bricolage. Si le Premier ministre refuse de s’attaquer aux vrais sujets – immigration, sécurité, pouvoir d’achat, fraude -, alors il sera censuré ». Sébastien Lecornu fera-t-il moins bien que Michel Barnier, en poste 91 petits jours avant de chuter, pour devenir le locataire de Matignon le plus éphémère de la Ve République ? Il semble bien parti. C’est le prix de l’entêtement.

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