Taxe Zucman, ISF, retraites… Lecornu se replie sur sa droite

Annoncer la rupture tout en assurant la continuité des politiques austéritaires et antisociales, c’est la doctrine du macronisme depuis 2017. C’est donc en totale cohérence que Sébastien Lecornu, septième premier ministre sous la présidence d’Emmanuel Macron, fait de ce mantra sa devise.

« Je le dis, il va falloir des ruptures, et pas que sur la forme, pas que dans la méthode. Des ruptures aussi sur le fond », avait-il annoncé sur le perron de Matignon lors de la passation de pouvoir avec François Bayrou, le 10 septembre.

Certes, il fallait être bien naïf pour y croire, mais certains demandaient à voir. Comme les socialistes, pas totalement fermés à la possibilité de ne pas censurer Sébastien Lecornu en cas de geste important de sa part sur plusieurs dossiers : instauration de la taxe Zucman, retour de l’ISF, abrogation de la réforme des retraites… Mais plus de deux semaines après sa prise de poste, et alors que la nomination de son gouvernement se fait toujours attendre, il n’y a plus vraiment de raisons de faire semblant d’y croire.

Les ruptures conventionnelles dans le viseur

Dans un entretien accordé au Parisien ce vendredi, il balaie toute nouvelle taxe pour les plus fortunés. « Nous avons les taux de prélèvements obligatoires les plus importants de l’OCDE. Faut-il encore augmenter les impôts globalement ? Je ne le veux pas », affirme-t-il, tout en précisant vouloir un « débat » sur la « répartition de la charge au sein des impôts actuels » pour aller vers plus de justice fiscale.

Reste que Sébastien Lecornu refuse de taxer les grandes entreprises et les plus riches, prétextant que les « impacts en termes d’emploi, d’investissement et de compétitivité » seraient trop importants. « Nous avons besoin de capitaux français pour défendre notre souveraineté économique vis-à-vis de certaines prédations étrangères », poursuit-il. Le gloubi-boulga habituel des libéraux.

Et pour ce qui est de la réforme des retraites, même fin de non-recevoir : « Cette réforme a d’abord eu pour objectif de conforter notre modèle de retraites par répartition, et ceux qui proposent de l’abroger ne mettent pas pour autant, à ce stade en tout cas, un autre modèle sur la table. »

Selon lui, ce texte « portait des mesures utiles aux salariés : majoration de la retraite minimale de 100 euros par mois, création d’une assurance-vieillesse pour les aidants, surcote des pensions pour les mères de famille dès 63 ans ». D’où son refus de la suspendre.

Dans la droite ligne de l’action des gouvernements macronistes, Sébastien Lecornu préfère s’attaquer aux acquis des travailleurs plutôt que d’apporter des réponses à la pénibilité qu’ils subissent. Dans son viseur : les ruptures conventionnelles qui, selon lui, « peuvent donner lieu à des abus », et dont il convient de réduire le nombre.

Alors même qu’elles permettent à beaucoup de salariés de trouver une porte de sortie à l’amiable avec leur employeur, tout en se réservant la possibilité de recevoir, après leur départ de l’entreprise, des indemnités de chômage.

Un projet de réduction de cet outil qui était déjà celui de son prédécesseur, François Bayrou, et de la ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, estimant que celles-ci sont trop coûteuses (en 2024, 514 627 ruptures conventionnelles ont été accordées et ont donné lieu au versement d’environ 10 milliards d’euros d’allocations chômage, selon les chiffres gouvernementaux).

« Si c’est le point d’arrivée, on ne pourra pas faire affaire »

Dans le même temps, comme un appel du pied à l’extrême droite, le Premier ministre communique ne pas s’interdire de s’attaquer à l’aide médicale d’État (AME), dont bénéficient les personnes en situation irrégulière, en se penchant sur « certains critères » pour « lutter contre les fraudes ».

« Ce serait une victoire symbolique pour le RN », s’est immédiatement satisfait le député d’extrême droite Jean-Philippe Tanguy, auprès de la Tribune dimanche, dont la formation se refuse, pour l’heure, à censurer le Premier ministre.

Côté socialistes, réunis en partie ce week-end sur les terres de Carole Delga aux « rencontres de la gauche » de Bram (Aude), c’est la réaction inverse : on déchante. Mais tout en continuant de faire mine d’espérer un miracle.

« Matignon nous dit qu’il faut lire entre les lignes. Or, on s’attendait à des ruptures. C’est le premier ministre lui-même qui l’avait annoncé. Il n’y en a visiblement pas, mais je veux voir la copie complète du budget avant de me prononcer sur la censure », réagit Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste. Et de poursuivre : « J’estime que c’est le point de départ. Tant que le dialogue est possible, je veux croire qu’il peut bouger. Mais si c’est le point d’arrivée, là, on ne pourra pas faire affaire. » Il y a des quêtes plus désespérées que d’autres.

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