REPORTAGE. "Les milieux naturels ne nous feront pas de cadeau" : l'inquiétude des agriculteurs dont les milliers de vaches sont bloquées dans les alpages à cause de la dermatose nodulaire

Dans les hauteurs du massif de la Chartreuse en Isère, Olivier Bastien observe ses vaches laitières, de race tarine, sur l’alpage du Charman Som. Comme de nombreux bovins, le troupeau ne peut pas redescendre d'estives pour l'instant, à cause de la dermatose nodulaire contagieuse des bovins (DNC) qui s'est propagée en France depuis fin juin.

À 1 600 mètres d'altitude, les vaches d'Olivier Bastien vont chercher "les derniers restes" du pâturage. Il possède 70 vaches laitières et une cinquantaine de génisses en gardiennage. "Il n'a pas fait trop froid, donc c'est vert, mais au premier gel, ça va jaunir", explique à côté de l'éleveur Bruno Caraguel, qui dirige la Fédération des alpages de l'Isère.

L'éleveur Olivier Bastien (à gauche) discute de cette situation exceptionnelle avec Bruno Caraguel, directeur de la Fédération des alpages de l'Isère. (MATHILDE IMBERTY / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
L'éleveur Olivier Bastien (à gauche) discute de cette situation exceptionnelle avec Bruno Caraguel, directeur de la Fédération des alpages de l'Isère. (MATHILDE IMBERTY / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Le problème, c'est que quand on est responsable d'un alpage à 1 600 mètres d'altitude, les mauvaises conditions, comme la neige, peuvent arriver", complète Olivier Bastien. D'ordinaire, ses bêtes redescendent début octobre dans leur ferme. Cette année, ce ne sera pas avant le 21 octobre. 

"La situation est tendue, mais elle n'est pas grave"

Le dernier foyer de dermatose bovine détecté remonte au 6 septembre dans l'Ain, dans un troupeau avec des animaux non vaccinés, malgré l'obligation dans la zone. Une "négligence", selon Arnaud Rousseau, le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Cela remet à zéro le compteur de 45 jours à partir desquels, sans nouveau cas, les restrictions de mouvement d'animaux peuvent être levées. "Si on arrive à tenir jusqu'au 21 octobre, la situation est tendue, mais elle n'est pas grave", estime Bruno Caraguel. Avant de glisser : "Si on doit dépasser la date du 21 octobre, la situation est assez désespérée en fait, parce que les milieux naturels ne nous feront pas de cadeau."

Un appel a été lancé pour trouver des solutions d'accueil localement pour les vaches bloquées dans les alpages. Le gouvernement a déjà permis, dans des conditions très strictes, des descentes d'estives. Avec un taux de vaccination de 90% contre la dermatose nodulaire, les éleveurs espèrent un allègement de la réglementation. "En Isère, on a vacciné 1 900 vaches en alpage", note le directeur de la Fédération des alpages de l'Isère. "Pour 400 vaches, on a dû chercher des solutions pour leur permettre de rester" dans les hauteurs des massifs. Il assure avoir "trouvé des lieux et des sites" pour ces bovins.

Des indemnisations seront versées aux exploitations qui ont accueilli des vaches en plus, consignées plusieurs semaines loin de leur ferme d'origine. Les éleveurs touchés par la dermatose bovine ont déjà reçu une avance de l'État pour indemniser les pertes d'animaux. Ils espèrent aussi des aides pour les pertes indirectes et pour reconstituer leur cheptel.