Foyers infectés, éleveurs inquiets, bovins euthanasiés... Ce que l'on sait de l'épizootie de dermatose nodulaire contagieuse en Savoie et en Haute-Savoie

La France confrontée à l'apparition de la dermatose nodulaire contagieuse. Depuis la détection d'un premier cas, le 29 juin dernier à Entrelacs (Savoie), les cas de cette maladie affectant les bovins se multiplient. Pour y faire face, l'Etat a annoncé un plan de lutte détaillé dans un arrêté publié vendredi 18 juillet : la détection d'un cas entraîne ainsi l'abattage de tous les animaux du foyer d'infection, une campagne de vaccination obligatoire est mise en place et les propriétaires vont être indemnisés. Des mesures qui provoquent la colère des éleveurs. Franceinfo vous résume ce qu'il faut savoir.

Une maladie bovine qui ne se transmet pas à l'homme

La dermatose nodulaire contagieuse (DNC) est une maladie virale qui affecte les bovins, les buffles et les zébus. "Les autres espèces animales ne sont pas concernées" et elle "n'est pas transmissible à l'homme, ni par contact avec des bovins infectés, ni par la consommation de produits issus de bovins contaminés, ni par piqûres d'insectes vecteurs", décrit le ministère de l'Agriculture. La maladie se propage par le déplacement des animaux infectés ou par la piqûre d'insectes vecteurs, comme les taons et les mouches piqueuses.

Contaminés, les bovins peuvent, après une période d'incubation de 28 jours, être atteints de fièvre, de nodules sur la peau, sur les muqueuses et sur les organes internes, d'hypertrophie des ganglions lymphatiques ou parfois de mort, liste l'Organisation mondiale de la santé animale (OMSA). "La DNC est terriblement douloureuse. Les animaux sont en grande souffrance. Ils ne peuvent plus manger ni boire", décrit la vétérinaire Stéphanie Philizot auprès du site Reporterre.net.

Cette maladie a aussi "une importance économique car elle peut entraîner une réduction temporaire de la production laitière, une stérilité temporaire ou permanente chez les taureaux, des dommages aux peaux et, parfois, la mort", ajoute l'OMSA. La mortalité peut atteindre 10% du troupeau, selon le ministère de l'Agriculture.

Une infection qui se propage rapidement

La dermatose nodulaire contagieuse est une maladie de catégorie A dans les pays de l'Union européenne, c'est-à-dire qu'elle n'est "habituellement pas présente" et doit mener à "des mesures d'éradication immédiates". En revanche, elle est présente en Afrique subsaharienne, en Asie et en Afrique du Nord (depuis 2023). Observée "massivement dans les Balkans, en Grèce et en Bulgarie, à la fin des années 2010", elle "a pu être éradiquée de cette zone grâce à une campagne de vaccination établie conjointement avec les mesures de biosécurité", rappelle le ministère.

Après une apparition en Italie le 20 juin en Sardaigne, un premier cas de dermatose nodulaire en France a été détecté le 29 juin à Entrelac, en Savoie. Depuis, la propagation est rapide : au 17 juillet, ce sont 26 foyers qui ont été recensés dans deux départements, la Savoie (17 foyers sur la commune d'Entrelacs) et la Haute-Savoie (9 foyers répartis sur les communes de Rumilly, Massingy, Marigny-Saint-Marcel et Faverges-Seythenex), selon le site du ministère de l'Agriculture.

La saison aide malheureusement : "Les insectes vecteurs sont plus nombreux durant les périodes chaudes de l'année, ce qui augmente le risque de transmission entre bovins et peut augmenter le risque de propagation de la maladie", note la même source.

Un plan de lutte annoncé par le gouvernement

Lorsqu'un cas est de DNC est détecté dans un élevage, l'abattage de tous les animaux est ordonné, un périmètre de 50 km est délimité pour limiter les mouvements de bétail et une campagne de vaccination obligatoire est lancée dans cette zone. Ces mesures font partie de la stratégie nationale adoptée mercredi lors d'une réunion extraordinaire du Comité national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale, instance qui réunit les professions agricoles, les syndicats, des vétérinaires et des scientifiques. Un dispositif "validé à l'unanimité des membres, sauf une voix", précise le gouvernement dans un communiqué.

L'Etat indemnisera les propriétaires d'animaux euthanasiés et "les denrées et produits détruits sur ordre de l'administration", complète un arrêté publié au Journal officiel vendredi. Seront également prises en charge "les opérations de nettoyage et de désinfection" réalisées par une entreprise agréée ainsi que "la collecte, le transport et l'élimination des cadavres des animaux abattus sur ordre de l'administration". Côté vétérinaires, l'Etat prend en charge la visite dans les élevages suspectés d'être infectés, les prélèvements, les analyses auprès de laboratoires agréés et les actes d'euthanasie en cas d'infection.

Un mouvement pour s'opposer aux abattages

La stratégie du gouvernement face à la propagation de la dermatose nodulaire contagieuse a divisé les syndicats. Dans un communiqué commun, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs – alliance qui constitue la première force syndicale agricole – disent avoir "acté ces choix, pour la protection et la pérennité de l'élevage français". Jeudi, ils demandaient également à l'Etat d'indemniser "les animaux abattus à leur juste valeur, tout comme les pertes de production en attendant le repeuplement des cheptels" et réclamaient une mobilisation "massive" pour une vaccination la plus rapide possible, qualifiée de "lueur d'espoir dans ce contexte extrêmement difficile".

De son côté, la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, a réaffirmé son "opposition aux abattages totaux des troupeaux dès la première analyse positive à la DNC". "On a vu ce qui s'était passé en Grèce, dans les Balkans, on sait très bien que l'abattage total, ce n'est pas du tout une solution, que la maladie se propage quand même, et qu'en fait, par contre, ce sont des vies broyées, sacrifiées, et ça, ce n'est pas tenable", a déclaré Fanny Métrat, porte-parole de la Confédération paysanne, avant la réunion du Comité national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale.

"On a travaillé pour rien, en fait. En un claquement de doigts, on n'a plus rien", témoigne Claude Germain, dont la trentaine de vaches laitières doit être euthanasiée, auprès de France 2. "Imaginez ce bâtiment vide demain. Moi clairement, ça m'empêche de dormir. Je pense que je ne m'en remettrai pas", affirme également Pierre-Jean Duchêne dans le reportage.

Certains membres du syndicat tentent donc de faire barrage aux abattages. Ils ont reçu le soutien de la Coordination rurale, selon qui "l'abattage total des troupeaux dans les foyers infectés est une mesure excessive et injustifiée". Au cours de ces actions, des personnes "ont volontairement fait sortir des enclos six animaux qui devaient être euthanasiés" et "deux vétérinaires ont été violemment pris à partie, ciblés par des insultes et des menaces graves", condamne la préfecture de Savoie, qui annonce le dépôt d'une plainte. "Ces agissements irresponsables participent à la propagation de la maladie et pourront faire l'objet de poursuites pénales", fait valoir l'Etat.