Pourquoi la quasi-totalité des pharmacies seront-elles fermées samedi ?

Il va être difficile de se procurer une boîte de paracétamol en ce week-end prolongé. Une importante mobilisation est annoncée pour la journée du samedi 16 août, au lendemain d'un jour férié et alors qu'une partie de la France est en vacances. Neuf pharmacies sur dix baisseront le rideau, selon l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo), à l'origine de ce mouvement social lancé le 23 juin dernier.

"Dans un grand nombre de territoires, 100% des pharmacies seront fermées", ajoute l'Uspo en s'appuyant sur un sondage réalisé du 12 au 13 août auquel ont répondu 4 500 pharmacies d'officine, dont 58% non adhérentes à l'Uspo. Ce mouvement vient s'ajouter à celui en cours depuis la fin du mois de juin ; de nombreuses pharmacies sont déjà en grève de garde.

Appel "à fermer les officines"

Le président de l'Uspo, Pierre-Olivier Variot, affirme dans les colonnes du Quotidien du pharmacien qu'il ne s'agit pas d'"un appel à la grève, mais un appel à fermer les officines", et n'appelle pas à garantir un service minimum. "L'idée de cette action c’est justement de faire prendre conscience aux patients de ce qui les attend si le nombre de pharmacies diminue à cause des décisions du gouvernement", poursuit-il. Le slogan de la mobilisation est ainsi : "Fermer un jour pour ne pas fermer pour toujours." Certaines pharmacies resteront tout de même ouvertes, mais les employés pourront porter des brassards pour notifier leur désaccord. Pour connaître les officines qui restent accessibles lors de la journée de samedi, rendez-vous sur le site de l'Agence régionale de santé (ARS) de votre département. Certaines ont déjà publié la liste des établissements réquisitionnés dans leur secteur. Les ARS demandent également aux patients d'appeler leur pharmacie avant de se déplacer le jour J, afin de s'éviter toute mauvaise surprise.

Cette action fait suite à la décision du gouvernement de réduire le plafond des remises sur les génériques, mesure actée par un arrêté publié le 6 août au Journal officiel. Les médicaments génériques sont fabriqués à partir de la molécule d'un médicament déjà commercialisé, mais dont le brevet est tombé dans le domaine public, explique l'Assurance-maladie. Or, à compter du 1er septembre, les remises seront plafonnées à 30% maximum du prix du générique, contre 40% actuellement. D'autres baisses successives sont programmées pour atteindre 20% en 2027. Les remises consenties par les laboratoires constituent pourtant un élément de la rémunération des pharmaciens, représentant un tiers de leur marge.

Le tarif des génériques au cœur de la contestation

Déclarées à l'Assurance-maladie, elles permettent aussi à l'Etat d'identifier les industriels ayant consenti des rabais, afin de leur imposer ensuite des baisses de prix et ainsi réduire les dépenses de santé. Une mesure jugée "désastreuse" par le président de l'Uspo sur RMC. Si elle entre en application, elle "menacera des emplois et provoquera des fermetures", a-t-il assuré. Plus globalement, les pharmaciens alertent également sur un risque d'aggravation des pénuries de médicaments, les laboratoires étant incités à se tourner vers des marchés étrangers plus rémunérateurs pour les génériques.

Les professionnels redoutent la fermeture, à terme, des petites officines."Nous ne voulons pas d'un modèle à l'américaine, avec grosses chaînes de pharmacies, et des 'Decathlon de la santé' dans les villes", a expliqué pour sa part sur franceinfo Philippe Besset, pharmacien d’officine, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et des Libéraux de santé (LBS).

Dans un message publié sur leur site, les Ecologistes ont apporté leur soutien aux pharmaciens, demandant "le retrait immédiat de cet arrêté et le retour aux négociations avec les syndicats de la profession". "Les Ecologistes ne peuvent accepter que l’égal accès aux soins des Français·es soit une fois de plus remis en cause au profit de multinationales de l’industrie pharmaceutique", poursuivent-ils.

De nouvelles mobilisations en septembre

Cette journée de fermeture placée entre un jour férié et un dimanche ne fait pas l'unanimité : la FSPF, premier syndicat majoritaire, ne s'est pas associée à cet appel, estimant que nombre d'officines avaient de toute façon déjà prévu de fermer à cette date.

En revanche, l'intersyndicale (Uspo, FSPF, UNPF, Federgy, UDGPO) prévoit une fermeture des pharmacies le 18 septembre, puis "tous les samedis à compter du 27 septembre". "Les représentants des pharmaciens et des groupements de pharmacies donnent donc rendez-vous, en septembre, devant le Parlement", poursuit le collectif.

La bataille contre la mesure du gouvernement sera également procédurale. L'Uspo a annoncé préparer "une double procédure juridique contre l'Etat", à la fois via une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel et "un recours pour inaction en matière d'accès aux soins" devant le tribunal administratif.